Gérard Gefen et la loge "William Preston"
Thierry Boudignon. 2003
La loge « William Preston » ouvrit ses travaux le 5 juin 1974 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Gérard Gefen, alors membre de la loge « L’Effort » du Grand Orient de France, la visita pour la première fois le 23 octobre 1978. Il signa le livre de présence comme « Assistant secrétaire ». A sa deuxième visite, il signa le compte-rendu comme secrétaire de la loge et la troisième fois, le 23 avril 1979, il est appelé parmi les membres de la loge. Le 30 janvier 1980, il est prévu qu’il donne sa première conférence sur le thème : « La F :. M :. dans le Yorkshire avant 1850 », d’après un article de Ars Quatuor Coronati. Le local, rue Castérès à Clichy (Hauts-de-Seine), n’étant pas disponible, la conférence est reportée au 30 avril mais à cette date, la loge se réunit en tenue commune avec la loge « Fidélité » n° 3 de la LNF et c’est cette dernière qui assure le compte-rendu. C’est donc le 13 janvier 1981 que Gérard Gefen donne sa première conférence enregistrée dans la loge « William Preston » sur le thème : « Nos prédécesseurs : les maçons écossais des années 1660 », d’après un article du brigadier Jackson paru dans les A. Q. C. Il est deuxième surveillant. Le 15 juin 1982, il commence une série de conférences, « en tranche de saucisson » comme il aimait à le dire, sur les fameux Masonic don’t du F :. Inman. Le 4 octobre 1983, il devient vénérable maître de la loge et a le privilège d’accueillir Pierre Gauchet, « Grand Stewart de la LNF, qui se présente (...) pour la 1ère fois en « due forme » ». Le 19 décembre 1983, il écrit aux FF:. de la loge qu’il souhaite « donner à nos travaux l’ampleur et l’approfondissement que méritent les sujets que nous traitons et dont nous espérons (...) pouvoir publier les résultats ». C’est sous sa direction, le 14 mai 1984 rue Saint-Bon à Paris, que « grâce à notre « Maître Steward » Philippe Rivayrand [, les] frères découvrent la cuisine anglaise». Le 4 juin 1984, pour le 10e anniversaire de la loge, Gérard Gefen propose l’adoption de la devise « Remove not the landmark thy Fathers has set » ensuite corrigée, le 10 décembre 1984, en « Remove not the ancient lanmarks which thy fathers have set ». C’est lui qui accueille, le 11 février 1985, un certain Roger Dachez de la « R L Le Libre Examen n° 217 de la G L D F » et qui lui donnera la parole pour sa première conférence dans la loge « William Preston » le 13 mai 1985 sur le thème : « Une société de pensée anglaise du XVIIIe siècle : Les Lunaires ». Gérard Gefen sera Maître de la loge jusqu’au 24 juin 1986 et assurera encore deux fois par la suite cette charge (8 décembre 1987-28 juin 1988 et 4 novembre 1992-7 décembre 1994). Sa dernière conférence, donnée le 14 novembre 1996, est consacrée à l’émergence d’Internet dans la Maçonnerie et se termine par une interrogation « sur l’avenir de la franc-maçonnerie universelle ». Gérard Gefen signe une dernière fois le livre de présence le 12 décembre 2002.
Dans la loge « William Preston », les conférences de Gérard Gefen sont axées sur deux centres d’intérêts principaux. Le premier est évidemment la tradition maçonnique anglo-saxonne. En cela, sa présence dans cette loge était toute naturelle. Le deuxième est la franc-maçonnerie et la musique.
Gérard Gefen et le monde anglo-saxon
Il participera régulièrement à la célèbre chronique de la loge « Actualité de la Maçonnerie anglo-saxonne ». Fidèle lecteur de Masonic Square devenu The Square, de Freemasonry Today, de The Ashlar (une revue écossaise), et surtout des Ars Quatuor Coronati, il en rend compte régulièrement. Il est impossible de citer toutes ces interventions.
Il s’intéresse à la structure de la société anglaise (« qui est une éternelle énigme (...) pour [des] continentaux »), en précisant, le 11 février 1985, « que la G.B. est un des derniers pays occidentaux où les structures sont restées traditionnelles [:] trône, autel, hiérarchie, attachement au pays, état d’esprit, F :. M :., vie municipale, corporations ».
Il suit l’évolution de la société britannique. Dans le débat relatif à cette transformation, il est plutôt partisan de la théorie des « tentatives de déstabilisation de l’ « Establishment » » (14 janvier 1985).
Il s’intéresse aussi à la bibliographie maçonnique anglo-saxonne. Souvent il présente « différents ouvrages en langue anglaise susceptibles d’intéresser les maçons d’une loge d’étude et de recherche (...) », tels que :
- William Preston and his Work par Colin Dyer, Lewis Masonic, 1987, avec en annexe (...) les fameuses Instructions (...) ;
- English Masonic Exposures, 1760-1769 par le Brigadier A.C.F. Jackson, 1986, Lewis Masonic ;
- Genesis of Freemasonry de D. Knoop et G. P. Jones, Manchester, 1947 ;
- le 3e volume de The Collected Pestonian Lectures (1975-1987) ;
- Some Royal Arch Terms Examined par Roy Wells, etc.
Quant à ces conférences proprement dites, elles abordent des sujets généraux, comme «L’influence de la société anglaise sur la FM anglaise», «Les usages maçonniques anglais», ou bien il s’intéresse à des aspects de la société anglaise. Il étudie alors les institutions pseudo ou para maçonniques. Il aborde aussi des sujets plus historiques comme «Les maçons écossais dans les années 1660», et ce bien avant la publication des travaux de David Stevenson ou «L’Histoire de la Maçonnerie de Prince Hall». Mais c’est aussi un conteur qui narre merveilleusement «L’affaire Crucefix en 1840» et «La biographie de William Preston», travail malheureusement inachevé.
Gérard Gefen, la musique et la franc-maçonnerie
Il insistera souvent sur les relations entre la franc-maçonnerie et la musique et il donnera de nombreuses conférences sur ce thème. Par deux fois, il étudiera « Les premiers chants maçonniques anglais ». Dès le 8 décembre 1982, Gérard Gefen (qui s’appellera dans le système maçonnique français : Gérard « Harmonie ») présente d’une manière « très intéressante et très complète » le chant des Apprentis du F:. Mathieu Birkhead, paru dans les Constitutions de 1723. Ce soir-là, le « F:. organiste Claude Ricard (...) va réussir l’exploit de (...) faire chanter [par la loge] le premier couplet [de ce chant] et en anglais bien entendu ». Plus tard dans la soirée, au cours des agapes, c’est Guy Fourcroy qui entonnera le chant des Apprentis dans la version de Naudot. Lorsque le 6 décembre 1983, Gérard Gefen donne une conférence sur le thème : « Un chansonnier maçonnique américain en 1815 », Claude Ricard interprète une des chansons.
On va beaucoup chanter dans la loge « William Preston », par exemple les 9 janvier, 13 février et surtout le 12 mars 1984, lorsque Gérard Gefen consacre une tenue entière aux « Hymnes et chansons maçonniques traditionnels ». Il « fait une courte introduction sur le chant des apprentis et sur l’ode d’ouverture, puis il passe la parole à (...) Jean Kriff, ténor, et Claude Ricard (...) qui ont la redoutable tâche de diriger la (...) répétition de [la] chorale maçonnique [de la loge]. Ce délicat exercice s’est déroulé dans la plus parfaite harmonie, la bonne volonté des FF :. étant évidente. On a pu également constater une très saine EMULATION entre le groupe des voix basses et celui des voix hautes. » Faut-il voir ici une discrète allusion à la possible cacophonie qui résonna dans les locaux ? Deux partitions musicales de cette ode d’ouverture sont alors annexées au procès-verbal de la tenue. Le 4 juin 1984, on se rappelle de ce « moment privilégié (...) où [les FF :. ont] pendant deux heures et demie répété l’ode d’ouverture sous les bienveillants conseils et encouragements de (...) Claude Ricard et Jean Kriff ». Enfin et point d’orgue, un concert de loge a lieu le 10 juin 1985.
Le 4 novembre 1992, Gérard Gefen annoncera « un projet de création d'une société musicale sur le modèle de la "Philo Musicae et Architecturae Societas Apoloni" (dans les procès verbaux de laquelle on trouve la fameuse mention du grade de Maître en 1725), société qu’il avait présentée dans une de ces conférences auparavant. Il souhaitait que cette future société musicale se réunisse deux fois l'an et qu’il y ait un travail sur la musique et la Maçonnerie suivi d'un concert donné par des musiciens Francs-Maçons. Il ajoutait qu’ « on s'inspirera des règlements de la "Philo Musicae Societas" pour établir le rituel et la façon de travailler ».
En dehors de ces deux centres d’intérêts principaux, Gérard Gefen avait aussi d’autres passions.
D’abord, il avait le goût de l’investigation policière. Dans la loge « William Preston », en dehors de ces nombreuses interventions dans la chronique de l’« Actualité », il évoque les affaires Morgan, de Jack l’Eventreur et donnera une grande conférence intitulée « Les assassins sont parmi nous ».
Son autre passion, c’est l’informatique. Sa dernière conférence dans la loge « William Preston », le 14 novembre 1996, sera consacrée au « Chroniques maçonniques d’Internet ». Sans doute voyait-il dans ce nouvel instrument de communication, une possibilité de s’affranchir des frontières et de bousculer les blocages actuels de la Maçonnerie. Il terminait son travail par ces mots : « Ainsi cet immense mouvement (...) efface les barrières entre les obédiences en permettant un dialogue et un échange d’informations extrêmement libre (...). Ces faits nouveaux (...) dans l’histoire maçonnique, sont difficiles à apprécier et il est encore plus difficile d’en mesurer les conséquences quant à l’avenir de la franc-maçonnerie universelle ».
Il avait encore le projet, cette année 2003, de fonder une cyber-loge, la loge « Saint-Gabriel ».
Gérard Gefen était un homme d’une grande culture et ne concevait pas qu’un maçon ne puisse pas s’instruire. Connaître l’histoire de la Franc-maçonnerie, son évolution, ses traditions, son environnement social, politique, économique, culturel, etc. lui paraissait indispensable pour quiconque veut vivre une véritable aventure spirituelle. Par ses travaux, il voulut illustrer la grande idée qu’il se faisait de l’Ordre et essayer de la transmettre à ses frères.
On trouvera infra les conférences données par Gérard Gefen dans la Loge «William Preston». Sa bibliothèque et ses archives sont accessibles aux frères sur demande. Un site Internet est en construction.