INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES ET ACTUALITÉS DE LA MAÇONNERIE ANGLAISE

2002

La Chaîne d’Union, n° 18-19, automne 2001-hiver 2002

Ce numéro est consacré à l’Europe maçonnique. On y trouve un article de Ludovic Marcos “Régularité, tradition, ordre, redonnons du sens aux mots”. D’autres auteurs abordent la situation maçonnique en Belgique, Italie, Portugal, Allemagne, Danemark, et les pays de l’Est. Pour l’Angleterre, c’est Pierre Gauchet qui signe un article très documenté “ Angleterre : le déclin sème le doute ”. Après avoir rappelé les antécédents historiques de la Grande Loge Unie d’Angleterre, l’auteur montre comment la “régularité” anglo-saxonne est devenue un outil de sa puissance. Il dresse ensuite un tableau très intéressant de ses effectifs (pp. 93 et 94), avant d’aborder les problèmes que rencontre la GLUA : recrutement plus faible, désintérêt de la famille royale, hostilité de la société civile et des institutions religieuses, la place des femmes. De fait, la presse maçonnique anglaise appelle à une évolution de la GLUA mais celle-ci n’est pas chose facile pour cette grande et lourde institution.

Freemasonry Today, n° 19 (janvier 2002)

Au fil des numéros cette revue semble trouver son rythme de croisière avec des articles de qualité.

  • Matthew Christmas présente, p. 18, les Knight Templar britanniques (Cf. "Les Knights Templar” par Marc Mirabel in Compte-rendu William Preston, pp. 93 et 94, publiés in Renaissance Traditionnelle, n° 107-108, juillet-octobre 1996, pp. 261-266, dans un article intitulé “Aperçus sur quelques Side Degrees” au sein de la Maçonnerie britannique hier et aujourd’hui... ”, par Marc Mirabel.). Ici comme ailleurs, cet ordre attire un certain nombre de frères en raison de l’affirmation d’une origine chevaleresque de la franc-maçonnerie. Rappelons que dans l’univers maçonnique anglais, les KT ont la caractéristique de ne recruter que des maçons qui s’affirment chrétiens et qu’ils partagent cette spécificité avec les Knight of Malta, le grade de “Rose Croix” et la Societas Rosicruciana in Anglia. Il ne faut pas oublier, en effet, que la déchristianisation de la maçonnerie anglaise ne date pas de 1723 mais de 1813 avec l’action du duc de Sussex (+ 1843), 1er GM de la GLUA.
  • John Hamill et Christopher Connop annoncent, p. 29, “la semaine d’action” de la GLUA du 26 juillet au 2 août 2002. Il s’agira, en quelque sorte, d’une opération de relations publiques, une semaine “ portes ouvertes ” destinée à montrer la place de la franc-maçonnerie dans la société anglaise. Le 2 juillet, la société topographique de Londres tiendra un colloque dans les locaux de la GLUA. Il y aura des expositions et des services religieux de toutes les confessions. Des hommes politiques, des hommes d’affaires seront invités. Bref, il s’agit d’améliorer l’image de marque de la franc-maçonnerie anglaise et de montrer qu’il a un rôle positif dans la société. Dans le même ordre d’idée, la GLUA a émis une plaquette intitulée “ Your question answred ” (Réponses à vos questions). Les thèmes suivants sont abordés : “ Qu’est-ce que la franc-maçonnerie ? ”, “ Est-ce une société secrète ? ”, “ Quels sont les secrets de la franc-maçonnerie ? ”, “ Le rituel a-t-il encore sa place dans la société moderne ? ”, “ Pourquoi les francs-maçons prêtent-ils serment ? ”, “ Pourquoi les obligations contiennent-elles des pénalités hideuses ? ”, “ Est-ce que la franc-maçonnerie est une religion ? ” “ Pourquoi n’acceptez-vous pas de femmes ? ”, “ La franc-maçonnerie, la société et les affaires ”, etc., etc.
  • Michael Baigent (p. 43) rend compte des dernières journées d’études du Canonbury Masonic Research Centre consacrées au thème “ The Visual arts and Freemasonry ” (10-12 novembre 2001). Ce centre d’études et de recherches a été fondé en 1998 et rassemble tous ceux qui s’intéressent à la franc-maçonnerie, maçons “ réguliers ” au sens anglo-saxon, autres maçons (c’est ainsi qu’on découvre la photo de Pierre Mollier, archiviste du Grand Orient de France, organisme “ irrégulier ” s’il en est aux yeux de la GLUA), et chercheurs non maçons. La franc-maçonnerie y est étudiée d’un point de vue phénoménologique et notamment à travers les œuvres d’art qu’elle suscite. Il s’agit de montrer le rôle que peut jouer la franc-maçonnerie dans l’expression du sacré. Par exemple, le professeur Robert van Pelt, historien de l’architecture à l’université de Waterloo (Canada) étudie la réception des représentations du Temple de Salomon exécutées par Villalpando au XVIe siècle. Celles-ci aurait influencé les plans de l’Escorial et, d’une manière plus troublante, le professeur pose la question d’une éventuelle similitude entre les plans du sinistre camp d’extermination d’Auschwitz et celui du Temple de Salomon. Cette hypothèse risque malheureusement de ne pas être absurde tant elle reflète l’imaginaire maléfique et maladif des nazis, ceux plaçant symboliquement les fours crématoires à l’endroit du Saint des Saints.

Les lundis de l’Histoire

La chaîne de radio France Culture, dans le cadre de l’émission “Les lundis de l’Histoire” “Le grand entretien” par Ph. Levillain, proposait le 25 février 2002 un numéro consacré à “Franc-maçonnerie et francs-maçons du XIIIe siècle à nos jours”, avec André Combes (La Franc-maçonnerie sous l’Occupation, éditions du Rocher), Rogez Dachez et Olivier Dard [Histoire de la franc-maçonnerie par les textes, 1248-1782 de Jean Ferré (éditions du Rocher)].

The Square (juin 2002)

Dans un article sobrement intitulé “ France United ”, page 41, cette revue rend compte de la naissance d’une nouvelle structure maçonnique en France appelée “ La Maçonnerie Française ” qui regroupe le Grand Orient de France, la Grande Loge de France, la fédération française du Droit Humain, la Grande Loge Féminine de France, la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra, la Grande Loge Féminine de Memphis Misraïm, la Grande Loge Mixte de France, la Loge Nationale Française, et la Grande Loge Mixte Universelle. L’auteur de l’article, Léo Zanelli, rédacteur en chef dûment informé par Pierre Gauchet, remarque “ l’absence notable, naturellement ”, de la Grande Loge Nationale Française. Il ajoute cependant que la dite GLNF est très intéressée par ce mouvement puisque, selon lui, les questions purement “ juridiques ” de régularité ne devraient pas empêcher les divers organismes maçonniques de collaborer, chacun gardant bien sûr sa propre identité. Zanelli conclut ce court article en affirmant que c’est justement ce qui se passe en Italie où des “ notables ” maçons admettent “ en privé ” que cette évolution est “ inévitable ”. Dont acte.

Pat Streams continue son travail critique vis-à-vis de la Grande Loge Unie d’Angleterre (pp. 10 et 11). Il évoque l’interdiction signifiée à un frère de la GLUA de donner une conférence - il est vrai peut-être un peu critique vis-à-vis de l’establishment - dans le cadre le Co-Masonry (maçonnerie mixte). Quant à lui, s’il est respectueux des règles de la GLUA à l’intérieur de sa loge, à l’extérieur, il entend mener sa vie maçonnique comme il le souhaite. Autrement dit, si un organisme maçonnique “ non reconnu ” lui demandait de prendre la parole, sa réponse serait de son seul ressort, “ sa propre affaire ”, et il estime qu’il n’a aucune autorisation à solliciter. Il enfonce le clou en écrivant qu’il n’aperçoit pas de différence entre des obédiences (entendez : régulières ou non) qui pratiquent le même rituel avec les mêmes signes et mots et il ne voit pas pourquoi une même personne ne pourrait pas appartenir à ces deux Grandes Loges en même temps.

Plus loin, il aborde la question de la tenue vestimentaire des Frères. Ces assemblées d’hommes en costumes et cravates noires ne font-elles pas penser, selon lui, à la “Mafia” ? Le ton est donné !

The Square (décembre 2002)

* Sur la page de couverture est présentée une nouvelle Grande Loge “for Men and Women” qui est une scission de la fédération anglaise du “Droit Humain”. Cette fédération, comme l’immense majorité de la maçonnerie anglaise, a toujours été d’un esprit religieux. Or, le “Droit Humain” est une organisation internationale qui comprend des fédérations, comme la fédération française par exemple, prônant “la liberté absolue de conscience”. Il semble qu’une partie de la fédération anglaise ne l’ait pas accepté et ait préféré fonder une nouvelle G.L. fidèle à ligne de la Maçonnerie britannique.

* Dans sa rubrique habituelle, Pat Streams alias Leo Zanelli, rédacteur en chef de la revue, constate, comme beaucoup, que la moyenne d’âge de la Maçonnerie anglo-saxonne s’accroît. Cependant il ne s’en alarme pas puisque la moyenne de la durée de vie augmente, elle aussi. Il s’agit donc, selon lui, d’un phénomène général qui n’est pas spécifique à la Maçonnerie.

* John Mittchell propose un article sur un grade peu pratiqué “Le passage des Voiles” ou “Excellent Maître”. Certains, à Bristol et en Irlande par exemple, délivrent cette cérémonie comme prélude à l’Arc Royal quoique, en Angleterre, elle soit tombée en désuétude après l’Union de 1813. Est-il possible de la remettre en œuvre dans ce pays alors que l’Arc Royal est directement accessible aux Maître Maçons ?

* P.18, R. Richardson s’intéresse à un thème récurrent dans la maçonnerie anglo-saxonne d’aujourd’hui : le rituel et ses effets. Selon cet auteur sud-africain, et il n’est pas le seul, la pratique du rituel provoque “l’ennui”. Les rituels, selon une critique maintenant courante, sont trop longs, verbeux et ne transmettent plus de message compréhensible. Le résultat ne se fait pas attendre : les frères, lassés, abandonnent vite la Maçonnerie. Pour inverser cette tendance, il convient donc de moderniser les rituels, c’est-à-dire les abréger en supprimant les répétitions, en synthétisant les obligations, le discours de présentation des outils maçonniques, etc. et en ne conservant que les passages signifiants comme les exhortations. A l’appui de cette thèse, on cite volontiers les premiers textes rituels connus (ceux de la fin du XVIIe siècle) qui sont effectivement très courts et succincts. Ceci aurait plusieurs avantages. D’abord cela raccourcirait des cérémonies jugées trop longues donc peu praticables dans le monde contemporain où tout doit se faire rapidement. Ensuite cela rendrait, théoriquement au moins, le rituel plus compréhensible. Enfin, on pourrait consacrer une partie du temps ainsi dégagé à l’enseignement maçonnique, à l’explication des réceptions et à des conférences, ce dernier exercice étant peu pratiqué dans la maçonnerie anglo-saxonne.

Mais il y a peut-être d’autres causes à la désaffection des Frères vis-à-vis de la Maçonnerie. Outre les difficultés de trouver du temps à une époque où les sollicitations les plus diverses sont infinies, sans même parler des contraintes de la vie professionnelle et des nécessités de la vie familiale et privée, le coût de l’appartenance à une loge est aussi à prendre en compte. Et surtout de nombreux Frères voient leur Grande Loge comme une institution lourde et peu transparente. Que venons-nous faire en loge, se demandent-ils, si l’on ne comprend plus le but de la Maçonnerie et si l’on n’y trouve plus de fraternité ?

Freemasonry Today, n°22 (automne 2002)

* Michaël Baigent, “ The Editor ”, le rédacteur en chef de la revue, écrit en ouverture de cette livraison, que “ le cœur et l’âme de la franc-maçonnerie réside dans notre rituel ”. On trouve effectivement dans ce numéro beaucoup d’articles qui évoquent le rituel maçonnique, question lancinante s’il en est.

* Au chapitre des nouvelles internationales, on apprend que la Grande Loge régulière d’Italie installe un nouveau Grand Maître. La revue souhaite que cette Grande Loge “ devienne le catalyseur d’un grand mouvement de rassemblement d’une Maçonnerie si disparate en Italie. ”

* La Cornerstone Society, fondée en 1999 et réservée aux Maîtres Maçons, a tenu une réunion dans la grande salle du Fremason’s Hall de Londres en présence du Pro Grand Master, Lord Northampton, qui accorde beaucoup d’importance à la formation des frères. Parmi d’autres, Jan Snoek, de l’université de Heidelberg, y a donné une conférence sur le thème “ Le Mot de Maître ”.

* Les francs-maçons et la musique. Bien que la musique et les chansons soient aussi vieilles que la maçonnerie anglaise - on en trouve dans les Constitutions de 1723 - il est rappelé que la Grande Loge Unie d’Angleterre a déclaré en 1875 que les “ hymnes ne font pas partie du rituel maçonnique et que les chanter en loge est une innovation ”.

* Joël Springer s’intéresse à la Maçonnerie américaine. Il estime qu’elle traverse une crise majeure, peut-être comparable à celle provoquée par l’affaire Morgan au XIXe siècle. Le nombre de Maçons américains serait en constante diminution. On parle de 3 millions de personnes, alors que le chiffre de 7 millions était autrefois avancé. Les raisons de cette crise sont cependant très différentes de celle des années 1830-40. Elle serait le résultat d’une sorte de désintérêt des Frères, et aussi des profanes, pour la Maçonnerie en général. Pour illustrer son propos, il pense qu’à la question “ que se passe-t-il quand on reçoit un candidat en loge ? ” la plupart des maçons américains seraient incapables de répondre quoi que ce soit. Quant à définir ce qu’est la Maçonnerie et ce qu’elle peut apporter, les réponses seraient encore plus hasardeuses.

Les problèmes de la Maçonnerie américaine semblent inquiéter les Maçons anglais. C’est qu’ils craignent peut-être qu’une société qui se veut traditionnelle comme la Maçonnerie, et surtout comme la Maçonnerie anglo-saxonne, a de plus en plus de mal à s’intégrer dans un monde en constante évolution. La Maçonnerie américaine apparaît aujourd’hui comme “ politiquement incorrecte ”. Songeons qu’elle pratique encore une forme de ségrégation raciale, avec des Grandes Loges pour les Blancs et des Grandes Loges pour les Noirs (Prince Hall). Même si cette situation a des causes historiques et “ juridiques ” (au sens maçonnique) bien connues, elle est difficilement compréhensible pour un regard extérieur.

* Après quelques trésors du “ Kent Masonic Library and Museum ”, Yasha Beresiner nous présente l’importante collection du musée maçonnique de Worcester.

Masonic Quaterly, 1er numéro, avril 2002

Ce nouvel organe, très luxueux, est une revue officielle de la G.L.U.A. Le page de couverture est ornée d’un portrait du Grand Maître en personne, “ HRH Duke of Kent ”. Si l’on y trouve une interview du duc qui pense que la Maçonnerie anglaise doit tenir compte de l’évolution du monde, le reste de la revue est essentiellement consacré à des sujets divers et variés tels que l’économie mondiale, les mérites de la Jaguar X Type, le choix des meilleurs vins, un voyage à Chypre, etc. Sur 3 pages cependant est publié le rapport financier relatif à l’action caritative de la Grande Loge, tandis que l’on donne aussi quelques nouvelles de l’équipe de la bibliothèque et du musée qui comprend des femmes.

Cette revue très professionnelle et très britannique veut montrer aux maçons anglais que la G.L.U.A. est un organisme bien intégré dans la société anglaise. Certes, mais ce n’est pas se montrer exagérément critique que de remarquer qu’il s’agit tout de même d’un certain type de société...

Des livres

a) De Neville Baker Cryer, voici 2 ouvrages, I Just Didn’t Know That et What Do You Know About The Royal Arch, consacrés aux grades bleus et à l’Arc Royal. L’auteur aborde des sujets comme l’origine des loges, les décors maçonniques, les modifications opérées dans le Métier depuis le XIXe siècle, etc.

b) De Jasper Ridley, The Freemasons (Robinson, London, 1999). Écrit par un journaliste non maçon, ce livre nous montre l’univers maçonnique anglais et établit un rapprochement entre des usages maçonniques et des usages de la société anglaise.

Le site internet www.thefreemason.com propose des livres, des rituels, des décors, etc.