Nouveaux aperçus sur Symbolisme et initiation en Maçonnerie : la vision britannique

Roger Dachez. 2016

La Maçonnerie est un monde complexe dans lequel fleurissent les évidences et les clichés. Si nous connaissons mal la Maçonnerie britannique il ne faut pas croire que nos frères anglais nous comprennent mieux. Un effort de communication de part et d'autre du Channel ouvrirait certainement à une meilleure connaissance l'une de l'autre et bousculerait les mentalités et de soi-disant certitudes si éloignées de la réalité. C'est un peu l'objet d'une loge d'études et de recherches comme «William Preston».

Le fossé qui sépare nos deux Maçonneries est d'abord et avant tout un fossé culturel et nous allons l'examiner par le thème choisi : initiation et symbole. Apparemment la Franc-maçonnerie, britannique ou française, pourrait se définir comme un monde d'initiation et de symbole. Mais quelle réalité se trouve sous cette définition consensuelle ?

1. les points communs entre les Maçonneries britanniques et françaises :

  • L'initiation semble être le point de départ obligé de toute carrière maçonnique. Elle marque un engagement personnel qui oblige moralement le nouveau venu. L'exhortation délivrée au candidat en Angleterre rappelle assez les principes et les fondements spirituels et moraux de la Franc-maçonnerie.
  • Quant au symbolisme, il peut avoir un caractère universel, d'autant que l'immense majorité de ces symboles n'ont pas d'origines maçonniques.

2. les différences entre ces Maçonneries :

Pour les percevoir il faut évoquer brièvement l'histoire des ces notions.

  • Aux origines de la Franc-maçonnerie, dans le premier quart du XVIIIe siècle, il n'est pas question d'initiation. C'est une notion inconnue. Le candidat est « fait » maçon et la Maçonnerie s'occupe essentiellement de bienfaisance. L'idée apparaît en 1730 et se développera tout au long du XVIIIe siècle, et surtout dans sa seconde moitié. En France, terre de hauts grades s'il en est, l'idée d'initiation est alors rapprochée de celle des initiations antiques et deviendra peu à peu, une sorte de substitut de religion. En Angleterre, le fondement de l'initiation reste la Bible et les Ecritures. D'où des visions très différentes. En France, au XXe siècle, René Guénon aura une grande influence sur cette idée en théorisant la notion de tradition primordiale, idée quasi inconnue dans la Maçonnerie anglaise.
  • Quant au symbole on en a, en France, une vision quasi mystique, alors qu'en Angleterre ils ont essentiellement une signification morale proposée aux frères pour une mise en œuvre tout au long de leur vie, une sorte de règle de conduite qui s'exprime si bien dans la bienfaisance.

3. En somme, on le voit, la Maçonnerie est à la fois semblable à elle-même et très différente selon les époques et les pays. On pourrait dire la même chose du christianisme ou d'autre chose. Bref y-a-t-il une définition précise, idéale et fondamentale de la Franc-maçonnerie? Sans doute pas. L'unité de la Franc-maçonnerie, son essence, réside dans ses origines, ses filiations, ses similitudes formelles, le tout avec des significations extrêmement variables et diverses. Et, dans cette optique, les notions de «régularité» ou d'«irrégularité» n'offrent plus de frontières si distinctes et ne sont pas pertinentes pour rendre compte de la complexité du phénomène maçonnique. Sans même parler du fait que dresser des murs et des excommunications entre frères ne semble guère maçonnique. On peut défendre son identité tout en parlant aux autres. Et si la définition idéale de la Franc-maçonnerie est si lointaine, c'est peut-être parce que la Maçonnerie idéale elle-même est si lointaine qu'on ne peut l'atteindre seulement que dans le cœur des hommes.

Discussion :

Les responsabilités dans l'absence de dialogue entre les maçonneries françaises et britanniques sont certainement partagées, et les divergences culturelles aveuglent aussi bien les anglais que les français. Si certains dignitaires de la GLUA sont bien conscients que la France est un pays difficile à comprendre pour des anglais (comme l'Angleterre est difficile à comprendre pour des français) la génération des dirigeants n'est pas encore prête à des changements, ce qui demandera probablement du temps.