Les quatre grades de la Maçonnerie britannique et française autour de 1750
Roger Dachez. 2014
Voici retracés brièvement les premiers moments de la Franc-maçonnerie sur les îles britanniques et sur le continent, principalement en France. Nous sommes là au cœur, au fondement de ce qu’est la FM, ce qui peut se résumer en cette formule lapidaire formulée il y a 25 ans par le groupe de chercheurs de la L.N.F. : toute la Franc-Maçonnerie est en 4 grades et 5 mots.
En s’appuyant sur les sources documentaires (manuscrits et publications) bien connues des historiens et des érudits, nous connaissons les grandes dates de l’apparition des grades ou « étapes » (le terme « grade » proprement dit (degree en anglais) n’apparaissant qu’en 1730). Avant 1725, il y a 2 « étapes »: Apprenti et Compagnon ou Maître. En 1730, apparition du grade de Maître en tant que tel, indépendamment du Maître de la Loge (1725-1730). Dans les années 1730 (1733-5) apparition d’un « Maître Écossais », le tout dans les îles britanniques. Comparativement en France : deux grades sont attestés en 1737, puis les grades de Maître et « Écossais » en 1743-4.
Le grade de Maître de 1730, avec sa légende racontant la mort d’Hiram, personnage important pour la construction du Temple de Salomon, ouvre de fait une perspective nouvelle : à cause de cette mort, la parole est perdue et il convient de la retrouver. Ce sera l’objet d’un quatrième grade que le génie français déclinera à foison à partir de 1745, et dont l’objet est de « réparer » ce qui a été brisé par la mort d’Hiram…
Et se greffe là-dessus la question de l’installation du Maître de la Loge. Attestée, en Angleterre, dès 1723 dans les Constitutions, on en trouve les principaux éléments, en France, au milieu des années 1740 dans le grade d’Écossais des 3 JJJ.
Discussion : C’est vraiment un problème important qui est abordé ici parce qu’il est question de l’essence même de la Franc-maçonnerie qui est apparue dans les îles britanniques et c’est pourquoi la connaissance de cette maçonnerie d’Outre-Manche est indispensable à tout maçon désireux de s’instruire. La Maçonnerie est en 4 grades, voilà le schéma directeur autour duquel tournent tous les rites, y compris le Rite Écossais Rectifié avec son 4e grade « symbolique » qui ressemble à celui de l’Arc Royal, et dont la possession est indispensable pour accéder à la maîtrise de la Loge. Mais si ce dernier Rite s’est organisé d’une manière simple, un peu a posteriori, sous l’impulsion d’un groupe de maçons savants qui disposaient encore d’informations historiques précises, ce n’est pas le cas du Rite Français, et encore moins celui du Rite Écossais Ancien et Accepté qui a créé une hiérarchie touffue, inorganisée – sinon par des numéros de grades – et qui est au fond difficilement compréhensible. Le Rite Français lui-même s’est assez mal positionné, le grade de Rose-Croix, pourtant grade chrétien de perfection finale de redécouverte de la parole, n’apparaissant qu’en 4e position, au terme d’un système d’ordres plus ou moins cohérent. En regard, la Maçonnerie anglaise a établi en 1813 – et même si c’est d’une manière alambiquée – un système simple qui reflète peut-être le fondement de toute maçonnerie traditionnelle, objet de la méditation continue du vrai Maçon. Au fond, le « 4e grade » est une notion purement intellectuelle, c’est, autour de 1750 dans les deux pays, le « grade du Maître de la Loge », même s’il y avait à Paris des Maîtres de Loge inamovibles…