Commentaires sur le frontispice des Constitutions de Cole
Roger Dachez. 2014
Comme tout document historique, une gravure ne peut être expliquée que dans le contexte qui l’a vue naître et non en faisant fonctionner une imagination débridée. Qui a produit ce document ? Quand ? Pour répondre à quelle question, à quel besoin ?, etc. etc. voilà ce qu’il faut s’efforcer de connaître si l’on ne veut pas se livrer au jeu néfaste du délire symbolico-maniaque.
Cette gravure a été publiée dans la seconde édition des Constitutions de Cole en 1731. Ces Constitutions furent éditées une première fois, sans la gravure, fin 1728 (ancien style) – début 1729 (nouveau style). Ce texte fait partie de la famille «Spencer» des Anciens Devoirs.
On y voit 3 personnages, des Maçons, associés aux 3 luminaires (Soleil, lune, étoiles) et aux ordres d’architecture anciens (dorique, ionique et corinthien).
En 1727, soit 4 ans avant cette gravure, la Grande Loge de Londres avait attribué des bijoux aux officiers principaux de la loge : l’équerre au Vénérable Maître, le Niveau au 1er Surveillant et la Perpendiculaire au 2e Surveillant. Cet usage s’est universellement répandu. Or sur cette gravure on voit autre chose : le compas est attribué au VM, la perpendiculaire au 1er surveillant et l’équerre au 2e Surveillant. Comment interpréter cela ? Une fantaisie d’artiste ? Peut-être et même si les autres éléments de la gravure sont attestés par ailleurs. Mais ce peut être aussi le témoignage (il est vrai le seul connu, un hapax) d’un autre usage. Après tout si la Grande Loge a ressenti le besoin de « fixer » ces bijoux c’est peut-être que leur usage était fluctuant ? N’oublions pas, et c’est là que la contextualisation est utile, que nous sommes dans la période (1725-1730) de la constitution du grade de Maître (1725 première attestation d’un grade de Maître, 1726 manuscrit Graham, 1730 publication du grade). Or nous savons que ce grade de Maître n’était pas pratiqué dans la loge ordinaire ou « générale » mais dans une loge spéciale, de « Maîtres ». Notons qu’aujourd’hui on pratique toujours les « hauts grades » dans des loges spécifiques et le grade de Maître n’est-il pas le premier des Hauts Grades ? La gravure de Cole pourrait représenter une loge de Maîtres avec les outils idoines des principaux officiers d’une telle loge. Notons encore que le compas est toujours le bijou du Grand Maître de la GLUA. Cette distinction entre la loge générale et la loge de Maîtres a été introduite dans le Rite Français Traditionnel.
Ainsi en Franc-Maçonnerie comme ailleurs, la contextualisation est une méthode indispensable à la connaissance historique scientifique.