Sources du premier système symbolique de la maçonnerie anglaise (1725-1750)

Roger Dachez. 2011

Ce travail est la présentation d’un ouvrage de René Desaguliers, revu, corrigé et augmenté par Roger Dachez pour la 3ème édition sous le titre Les Trois grands piliers de la franc-maçonnerie.

Il existe différentes manières d’écrire l’histoire : l’histoire romantique et de l’histoire authentique. Cette dernière peut se subdiviser en plusieurs écoles : l’histoire évènementielle critiquée par l’école des Annales ; l’histoire plus profonde, économique, culturelle, institutionnelle, etc. Appliquée à la Franc-maçonnerie si l’on distingue maintenant l’école romantique de l’école authentique, on constate qu’à l’intérieur de l’école authentique l’histoire évènementielle de la Maçonnerie est maintenant bien établie. L’histoire de la Franc-maçonnerie française de Pierre Chevalier en est un des aboutissements. Cependant l’histoire culturelle de la maçonnerie reste à faire. Ce fut justement l’œuvre de René Guilly que d’initier cette recherche relativement aux rituels et aux us et coutumes maçonniques, recherches qui aboutirent en 1961 et 1963 à la publication de deux études : La position des colonnes du Temple et l’ordre des mots sacrés des 1er et 2e degrés et Les trois colonnes Sagesse, Force et Beauté et les trois grands chandeliers. La recherche ayant progressé depuis cette époque, la nécessité d’une nouvelle édition, déjà préparée par René Guilly, fondée sur de nouvelles connaissances était évidente et nécessaire. Il s’agit d’identifier et d’étudier les sources culturelles, philosophiques, artistiques, religieuses, etc. dans les quelles la maçonnerie a puisé pour établir ses rituels et ses usages. Il s’agit de retrouver des fondements culturels et des bases archaïques que nous avons oubliés.

La parution cette nouvelle édition est donc l’occasion d’illustrer cette méthode de l’histoire culturelle des fondements rituels de la Maçonnerie à travers 2 exemples.

1. Le Vénérable Maître et les Surveillants et les chandeliers.

Dans le système de la Maçonnerie anglaise de la première moitié du XVIIIe siècle, le Vénérable est à l’Est et les 2 surveillants à l’Ouest. Quant aux 3 chandeliers, il y en a 2 à l’Est et 1 au Sud-Ouest. Ils symbolisent le Soleil, la Lune et le Maître de la Loge ce qui en rapport avec la culture chrétienne commune de la théologie médiévale qui associe le soleil à la nature divine du Christ, la lune à sa nature humaine et l’Etoile à l’annonce de la venue du Sauveur.

2. les 3 grands piliers ou colonnes Sagesse, Force et Beauté.

Ces piliers ne sont pas matérialisés (cet usage est très récent –milieu XXe siècle- sauf dans l’axe Marseille-Avignon-Paris de la fin du XVIIIe siècle) et non représentés sur les gravures. Symboliquement, il y en a 1 à l’Est et 2 à l’Ouest et sont associés au Vénérable Maître et aux Surveillants. En réalité, ces colonnes sont des personnes. Ceci est attesté dans la Bible et par exemple dans les Actes où Pierre, Paul et Jacques sont considérés comme les colonnes de l’Eglise.

Quant à la formule Sagesse, Force et Beauté qui apparaît dans la Maçonnerie spéculative en 1727, elle est déjà présente dans les Anciens Devoirs (Force du Père, Grâce du Fils, Bonté du Saint-Esprit) à l’image des spéculations de théologiens tel Pierre Lombard au XIe siècle et des ouvrages de pitié populaire du XVe siècle.

Ainsi, cette méthode de recherche historique –loin du délire symbolico-maniaque- permet de retrouver l’intention fondatrice –et de faire revivre- des symboles maçonniques : les 3 personnes de la trinité fondent la Loge au centre de laquelle se trouvent les 2 natures du Christ.

Discussion :

Lors de la prochaine tenue nous étudierons le système des « Anciens » mais nous savons déjà que la signification de ce système est sensiblement la même, mise en œuvre différemment.

Bien sûr, il y a d’autres sources à la Maçonnerie spéculative comme l’influence de la pensée du XVIIIe siècle illustrée par la Royal Society. On connaît d’ailleurs quelques travaux donnés dans les premières loges anglaises qui révèlent des préoccupations historiques et scientifiques.