Traditioners et Grandes Loges "exotiques" avant l'Union de 1813
Roger Dachez. 2010
Le « Siècle anglais », le XVIIIe siècle est marqué, dans sa 2ème partie par le conflit fondamental entre les « Moderns » et les « Antients ». La compréhension des causes, de la nature, des composantes et du déroulement de ce conflit est indispensable sur l’on veut comprendre la structure des rites d’aujourd’hui. Si l’histoire est si importante à la compréhension du fait maçonnique, c’est que la Maçonnerie est une histoire. On connaît bien maintenant –du moins peut-on l’espérer- les grandes lignes de ce conflit, de la fondation de la 1ère Grande Loge, selon la tradition, en 1717 en passant par celle de la Grande Loge dite des « Antients » au tournant du siècle jusqu’à l’Union de 1813 pour former l’actuelle Grande Loge Unie d’Angleterre. On sait que ce conflit fut parfois rude et dura près de 60 ans, aussi l’union presque totale –si l’on excepte la Grande Loge à Wigan de 1823 à 1913- peut apparaître paradoxale dans sa quasi unanimité. Comme expliquer ce contraste ? C’est à ce moment que l’on se redemande qu’elle était la nature véritable de ce conflit ?
Pour cela, il faut le mettre en perspective et rappeler qu’il a existé d’autres Grandes Loges en Angleterre. Si la plus ancienne est, sans conteste, celle de Londres et de Westminster, une autre Grande Loge apparaît dès 1725, celle de York, se fondant sur l’histoire légendaire du Métier racontée dans les Anciens Devoirs et rapportant une fameuse assemblée à York en 926 sous le roi Edwin. Cette Grande Loge se présentait déjà comme celle des «Ancients»
On sait qu’au cours des années 1740, la Première Grande Loge traverse une phase difficile. C’est à la fin de cette décennie qu’apparaît la Grande Loge des « Antients ». La forme même du mot « Antient » veut marquer une ancienneté encore plus grande.
Enfin en 1779, naît la Grande Loge du Sud de la Rivière Trent de William Preston.
Les premières conclusions sont qu’il a existé plusieurs Grandes Loges au XVIIIe siècle en Angleterre même si elles furent éphémères. De plus, ces Grandes Loges n’avaient pas de désaccords doctrinaux entre elles.
En 1943 dans les Ars Quatuor Coronatorum, John Heron Lepper a donné une étude « The Traditioners – A Study of Masonic Ritual in the 18th Century ». Il y montrait que dès le début des années 1750, beaucoup de Loges des « Moderns » pratiquaient les usages des «Antients». D’où la question que l’on peut se poser : y avait-il une réelle différence doctrinale entre les 2 Grandes Loges ? Revoyons les distinctions habituellement proposées:
- l’ordre des Mots. Il est différent certes mais cela est-il vraiment significatif ?
- l’abandon des célébrations de la Saint-Jean par les « Moderns ». Cela n’est pas vrai.
- l’Installation Secrète. Les « Moderns » la pratiquèrent très rapidement.
- l’Arc Royal. Le premier Suprême Grand Chapitre, de 1766, a été fondé par des «Moderns».
Alors ? Il ne semble pas, en fin de compte, qu’il y ait une véritable différence de nature entre ces 2 Maçonneries. Ce qui est plus probable, c’est que, à partir du même donné traditionnel succinct et principalement venu d’Ecosse, à partir des mêmes racines donc, la franc-maçonnerie spéculative obédientielle s’est structurée différemment selon les pays et les époques. Une fois ces formes structurées, apparaît le phénomène classique de légitimation et, pour cela, on réécrit ou on écrit sa propre histoire dans une sorte de mythe fondateur qui justifie la structure, la légitime et lui donne un sens. L’exemple des Hauts grades est significatif. Ils commencent par apparaître, se diversifient grandement puis il y a la phase de structuration (en 25, 33, 90, 95 grades) et de légitimation. Bref, l’histoire de la tradition maçonnique montre qu’il y a une diversité de cette tradition maçonnique et que l’étude de cette histoire montre que la tradition est encore plus riche qu’on ne l’imaginait.
Discussion :
- le sentiment d’appartenance communautaire est caractéristique, par exemple, de l’histoire religieuse anglaise.
- Dans cette histoire de la Maçonnerie anglaise, on ne voit guère de conflit idéologique ni même symbolique sur la nature de l’Ordre.
- la question des Irlandais
- regard croisé entre les Maçonneries anglaises et françaises au début du XIXe siècle.