Que sait-on aujourd'hui des premières années de la Grande Loge de Londres 1717-1723 ?

Roger Dachez. 2009

Si l’on s’en tient à l’Angleterre, il y a bien un fossé documentaire de la fin du XVIIe siècle à 1717. Certes, il y a de nombreuses attestations d’activités maçonniques au XVIIe siècle, et on a cru y découvrir une sorte de « modèle » de « pattern » du maçon spéculatif. Cependant force est de reconnaître que les premiers temps de la Grande Loge de Londres ressemblent plus, du point de vue des rituels, à la fin du siècle écossais qu’au témoignage de Elias Ashmole. Cette influence écossaise s’explique par l’acte d’Union de 1707 entre l’Angleterre et l’Ecosse car l’histoire de la Maçonnerie ne peut se séparer de l’histoire générale.

De l’autre côté du fossé qui sépare la maçonnerie pré spéculative anglaise de la Grande Loge de Londres, nous voici donc dans les années 1720. En 1723 sont publiées les Constitutions. Celles-ci comprennent une partie historique qui commence à Adam et s’achève à la « Glorieuse révolution » de 1688. Mais il n’est rien dit de cette date à la Grande Maîtrise du duc de Montagu en 1721 et notamment rien sur 1717. Par ailleurs, les registres de la Grande Loge de Londres ne commencent qu’en janvier 1723 et encore ne contiennent-ils que quelques renseignements d’ordre financier et la liste des loges.

En 1738 paraît la 2ème édition des Constitutions toujours rédigées par Anderson. La Grande Loge est alors devenue une institution brillante bien implantée dans la société anglaise. Anderson y raconte l’histoire des années 1716 à 1723. C’est le seul témoignage connu sur des évènements auxquels, pour les années 1716 à 1720, il n’a pas assisté. En voici un résumé :

1716 : il y a une première réunion de quelques loges qui ne prennent aucune décision sinon de se réunir l’année suivante. Cette date est importante car la Rebellion, c’est-à-dire les Stuartistes, ont perdu la partie en 1715 et que la paix civile et religieuse, symbolisée par Georges 1er de Hanovre monté sur le trône d’Angleterre en 1714, est maintenant définitivement installée.

1717 : nouvelle réunion de 4 loges à la taverne « A l’oie et le grill ». Anthony Sayer est élu Grand Maître. Cette réunion, si elle a eu lieu, s’est tenue dans une pièce de 16m2 environ ne pouvant accueillir plus de 15 à 20 personnes. Un Vade mecum des estaminets de Londres publié en 1713 donne une rapide description de cette taverne : son enseigne, 2 colonnes qui entourent la cheminée et sa servante, Anna.

1718 : Georges Payne est élu Grand Maître. Décision est prise de tenir des réunions trimestrielles, de créer une Grande Loge et de rassembler les Anciens Devoirs.

1719 : Jean-Théophile Desaguliers est élu Grand Maître. La noblesse va entrer dans la Grande Loge. Des loges nouvelles sont créées.

1720 : Georges Payne est réélu Grand Maître. Les anciens usages sont compilés avec une nouvelle et meilleure méthode, ce qui aboutira à la publication de 1723.

En dehors de ce témoignage d’Anderson rédigé 20 ans après les faits, il n’existe qu’un seul document avant les comptes-rendus de 1723, un entrefilet de presse paru le 5 septembre 1719 attestant une réunion de « Maîtres maçons ».

Il est donc impossible de savoir ce qui s’est réellement passé en 1717. On peut néanmoins distinguer deux périodes dans ce récit. La période 1717-1719, confidentielle, et la période 1719-1721, où la Grande Loge semble se transformer radicalement. Mais l’histoire de la maçonnerie n’est-elle pas, loin d’une transition, une suite de ruptures et de nouveautés ?