Des « Antients » en France au XVIIIe siècle

Pierre Mollier. 2009

La France est le pays qui a recueilli la tradition de la Première Grande Loge d’Angleterre dite des « Modernes ». L’influence de la nouvelle Grande Loge dite des « Antients » sur la maçonnerie française fut quasi inexistante. Il est un endroit pourtant où cette dernière jouera un rôle, c’est à Saint-Domingue, colonie française.

Au XVIIIe siècle, Saint-Domingue est pays extrêmement riche, producteur de sucre, de café, d’indigo, où l’on vient volontiers faire fortune. L’esclavage est le mode d’exploitation normal et, à la fin du siècle, ce sont près de 450 000 esclaves qui travaillent au bénéfice de 30 000 colons blancs.

La franc-maçonnerie s’est implantée sur l’île dans les années 1740. Citons Etienne Morin puis plus tard, Martinès de Pasqually, Moreau de Saint-Méry et Jean-Jacques Bacon de La Chevalerie.

Le 4 janvier 1790 est créée la loge « La Réunion des cœurs franco-américains » qui est directement inspirée de la tradition des « Antients » via la Grande Loge américaine de Pennsylvanie, elle-même issue de maçons écossais et irlandais de cette tradition. Cette loge, de recrutement social plus modeste –nous sommes au début de la Révolution française- que les anciennes loges de Saint-Domingue comme celle de « La Parfaite Union », des régisseurs plutôt que des planteurs, travaille selon la « coutume –entendons le rite- de l’ancienne Maçonnerie d’York ». On y trouve un frère comme Germain Hacquet.

La Révolution ne tarde pas à éclater sur l’île (1790-1804). La vie de la Loge s’en ressent et elle se repliera un moment en Pennsylvanie. Sous Toussaint-Louverture, une Grande Loge provinciale des «Antients» est fondée à Saint-Domingue (1802) avec Mathieu Dupotet mais elle sera éphémère. En 1804 Jean-Jacques Dessalines proclame l’indépendance d’Haïti. Dès lors cette maçonnerie se réfugie à Cuba, en Floride mais aussi à Paris où elle arrive cette même année 1804, avec de Grasse-Tilly, de Fondeviolle et Hacquet, pour fonder la Grande Loge Générale Ecossaise qui se posera bientôt comme rivale du Grand Orient de France. Elle contribuera ainsi à forger le Guide du Maçon Ecossais, textes rituels des grades symboliques du Rite Ecossais Ancien et Accepté. En même temps, par l’intermédiaire de Germain Hacquet, le Grand Orient de France recevra l’Arc Royal (1817). L’influence des « Antients » dans la Maçonnerie du Rite Ecossais Ancien et Accepté se fera sentir encore en 1830 dans le Tuileur de Vuillaume où l’on trouve le grade de Past Master aujourd’hui oublié par les hiérarques de ce système.