Prélude à l’apparition de la Franc-Maçonnerie spéculative en Angleterre au XVIIIème siècle

Marc MIRABEL, 2008 & 2009

1ère partie

Pourquoi l'Angleterre ? peut on considérer l'environnement social et culturel du début du XVIIIeme siècle comme ayant exerce une influence prépondérante dans la naissance de la franc – maçonnerie spéculative ?

En quoi la glorieuse révolution, l'anglicanisme, le goût pour les études scientifiques et historiques, la recherche de nouvelles sociabilités ont ils favorisé l'émergence de la première franc – maçonnerie ?

En guise d'introduction...

Il n'est jamais facile d'ouvrir un cycle de conférences mais il faut bien commencer par une sorte d'ouverture pour emprunter un terme au vocabulaire musical.

Ce premier mouvement – encore une référence a la musique – peut souvent sembler fastidieux voire pénible a l'assistance car il n'existe que pour rappeler, pour fixer des événements historiques connus de tous...en apparence seulement, car l'expérience que nous partageons ici avec de nombreux frères nous a prouve et continue de nous prouver chaque jour que les dits événements que l'on pensait bien connus de tous ne sont en fait que de lointains souvenirs d'université quand il ne s'agit pas de réminiscences encore plus éloignées qui se perdent dans le brouillard de nos années de lycées...

C'était les quelques secondes de nostalgie que vous pardonnerez bien volontiers a un frère d'un âge certain et non pas d'un certain âge qui a trop tendance après tant d'années passées en franc – maçonnerie a confondre le rêve et la réalité...ce qui augure bien mal, je vous l'accorde d'un travail d'ordre historique !

Mais, ce soir, puisque le grand architecte de l'univers et le vénérable maitre de William Preston en ont décide ainsi, je me plierai a leurs volontés conjugues.

Dans le domaine de l'histoire maçonnique comme dans les autres branches des sciences historiques, on se doit, avant de se livrer aux élucubrations dont nous avons le secret, de commencer par acquérir autant que faire se peut le minimum de connaissances en se servant d'une saine méthodologie qui, cela va sans dire, doit nous éviter de sombrer dans les délires interprétatifs évoqués plus haut.

Il est donc normal et naturel avant de traiter de l'histoire maçonnique de ne pas ignorer, ce qui serait un comble, ce que l'on a coutume de nommer l'histoire '' tout court ''...

Comment en effet, pourrait on parler d'histoire maçonnique sans avoir une vue d'ensemble de l'environnement politique, religieux, culturel, intellectuel, artistique, économique bref de l'environnement social qui l'a vu naitre ?

Nous savons, dans le cadre de l'école authentique a laquelle la LNF se targue d'appartenir- mais elle n'est pas la seule – que l'histoire maçonnique est une branche de l'histoire sociale intimement liée a l'histoire des idées.

Comment parler de la naissance de la franc – maçonnerie anglaise en ignorant tout de l'histoire de l'Angleterre ?

Ce sera donc l'objet du travail de ce soir.

Bien entendu, dans le temps qui nous est imparti, nous n'allons pas brosser un tableau qui aurait pour point de départ la conquête de ce pays par guillaume, duc de Normandie...

Comme en toute chose l'arbitraire prévaut, il en sera de même dans cet expose. nous avons donc choisi de traiter tour a tour de différents événements historiques, politiques, religieux et culturels très lies entre eux qui contribueront a favoriser l'émergence d'une atmosphère propre a l'éclosion de la première franc – maçonnerie spéculative organisée.

Il s'agit pour nous d'essayer de montrer comment a pu se constituer un faisceau de forces qui ne pouvait qu'aboutir a 1717 et pourquoi, finalement, il ne pouvait se produire qu' en Angleterre, étant bien entendu que nous ne traiterons que d'éléments strictement anglais qui sont aux origines de la création de la grande loge de londrès et de Westminster a l'exclusion volontaire de tous autres.

Afin de faciliter la compréhension de ce qui va suivre, nous suivrons un plan établi ainsi :

1/ Henri VIII et la séparation d ' avec Rome.

2/ la reforme en Angleterre / l'anglicanisme.

3/ vers des temps troubles (1625 – 1688).

4/ la glorieuse révolution de 1688 et ses suites.

5/ érudition historique et scientifique / royal society et society of antiquaires.

6/ vers de nouvelles formes de sociabilité.

Compte tenu du temps qui nous est imparti et avec l accord du vénérable maitre, il y a de grandes chances pour que ce soir nous ne traitions que des quatre premières parties qui forment un tout historique et que les deux derniers points qui touchent le plus a un vrai prélude a l objet final de notre travail ne soient abordes qu’ a la prochaine tenue....ce soir...ce serait en quelque sorte un prélude au prélude !

Il est manifeste qu' a la lecture de ce plan, si l'ordre chronologique est respecte, on doit avoir a l'esprit qu' il existe une interaction entre tous ces différents aspects qui sont autant de facettes de ce que nous pourrions nommer – sans prétention – une fresque historique...vaste programme !

D’autre part et dans le désir de ne pas transformer une tenue de william Preston en une séance plénière du défunt soviet suprême, nous avons décide de ne pas modeler nos chapitres sur le même format...ils n auront donc pas tous la même longueur car nous ne pouvons que survoler l histoire anglaise en ne retenant ici et la que les plus marquants des faits qui ont une signification en rapport avec l objectif général de notre propos.

1/ Henri VIII et la séparation d'avec Rome.

Comme nous l'avons déjà dit, nous ne retiendrons du règne d'Henri VIII que le récit des événements qui eurent les conséquences que l'on sait.

Il nous faut simplement savoir que contrairement a ce que l'on peut penser, Henri viii, qui monte sur le trône d'Angleterre en 1509 n'est en rien un adversaire de l'église catholique bien au contraire.

Fidele allie de la papauté, il en est le fils respectueux que ce soit contre les français ou contre les luthériens d'Allemagne !

En 1521, il va publier une '' défense des sept sacrements '' prônant la primauté romaine et défendant les indulgences...

Le pape Léon X pour lui témoigner une marque de son affection lui décerna le titre de '' défenseur de la foi '', titre conserve jusqu'a nos jours par les souverains d'Angleterre.

Alors, que va t il se passer ?

Un fait regrettable pour la monarchie anglaise : le mariage d'Henri viii avec Catherine d'Aragon n'avait pas permis au roi d'avoir un héritier mâle...son épouse n'avait engendre qu' une fille et a cette époque personne n'aurait envisage une reine sur le trône d'Angleterre.

Le roi, qui contrairement a une légende noire, n'était en rien un séducteur forcené ou un libertin acharne du moins dans la première partie de sa vie nourrissait de tendres sentiments pour Anne boleyn belle sœur de sir william Carey...seulement il fallait tout d'abord divorcer !

De plus, Henri viii avait fini par se persuader que si son union avec Catherine d'Aragon n'avait pas abouti, c'est que la dite union était nulle et non avenue du fait des degrés de parente ou de cousinage existant entre Henri viii et la nièce de Charles Quint...

On peut donc créditer Henri viii d'une certaine bonne foi, du moins au début et d'un réel désir de trouver une solution auprès du pape;

Nous n'allons pas entrer dans le détail des discussions et argumentations d'ordre théologique qui se firent jour a cette occasion...toute l'Europe se passionna pour cette affaire..

Toutes les universités donnèrent leurs avis, les unes en faveur du roi, les autres contre...

Le pape clément vii ne voulait pas entendre parler de divorce s'appuyant sur le droit canon ( distinction entre les empêchements dirimants qui entrainent la nullité des unions, des empêchements prohibant impliquant seulement un interdit sans impliquer d'invalidité).

Henri VIII convoqua alors son parlement qui siégea de 1529 a 1536 (connu sous le nom de '' reformation parlaient '').

Le problème du mariage et du divorce agit en fait comme un révélateur...il ne fit que raviver l'opposition sourde entre l'église et l'état, sentiment qui n'était pas propre a l'Angleterre, ou si l'on préfère, il exacerba la volonté d'indépendance politique et spirituelle vis a vis de Rome.

Des lors ce fut une véritable reforme religieuse du royaume qui s'ensuivit...

Comment peut-on résumer en quelques mots ce qui bouleversa complètement la physionomie de l'église en Angleterre ?

Il faut parler, pour aller à l'essentiel, d'une intégration de l'église dans l'appareil d'état, c'est à dire, la constitution d'une religion civile plaçant l'église et l'état sous la houlette d'un même souverain...

Mais il s'agit avant tout d'une reforme administrative et non pas doctrinale.

De fait, en 1534, le pape n'a plus aucun droit de regard sur les affaires de l'église d'Angleterre et le roi est désormais considère comme le chef suprême de la dite église.

Point final.

Mais alors, qu’en est-il justement sur le plan de la doctrine ?

Pour Henri VIII, il n'y a rien de change, il reste catholique sans le pape et persécute sans distinction les papistes comme les protestants.qui oseraient défier son autorité....mais cela pouvait il durer ?

La main mise de l'état sur l'église ne fit que se renforcer...et les monastères et les couvents fermes entre 1536 et 1540 dans un souci éthique...ce fut une bonne affaire pour la couronne...

La suite du règne d'Henri viii témoigne de la volonté de diriger personnellement l'église et l'état comme il l'entendait et encore une fois, la reforme engagée était limitée a la direction de l'église...cependant il est évident que ce n'était que le début d'un processus fort complexe qui allait s'étendre sur plusieurs décennies...et qui mérite notre attention, Henri viii n'ayant été que le premier maillon de la chaîne...


2/ La reforme en Angleterre / l'anglicanisme

Alors peut on parler de la reforme ou des reformes en Angleterre ? Peut-on parler d'une décatholicisassions du pays et de sa protestantisation ?

Ce serait la une vision simpliste et réductrice...

La reforme en Angleterre n'est pas issue d'une décadence de l'église médiévale ou d’on ne sait quelle corruption du clergé...autre légende noire.

Car lorsqu' Henri viii meurt en 1547, la situation est loin d'être claire, certes l'Angleterre n'est plus catholique romaine, mais est elle pour autant reformée ? La réponse ne peut être que négative...

Le successeur d'Henri viii, le jeune Edouard vi (fils de la troisième épouse du défunt roi et donc illégitime aux yeux de l'église catholique) subit l'influence grandissante de son entourage en la personne de son oncle, Edward Seymour, comte d'Hertford puis duc de Somerset aux sympathies reformées affirmées ainsi que celle de thomas Cranmer archevêque de Cantorbéry depuis 1533 et partisan d'une profonde reforme religieuse en Angleterre.

Dès juillet 1547, des injonctions royales furent prises qui modifièrent sensiblement les pratiques extérieures de la foi...

(Suppression des objets susceptibles de provoquer l idolâtrie...chasses...reliques...images...tableaux...etc...).

Mais comment promouvoir une uniformité de la pratique liturgique dans l'ensemble du royaume ?

Ce fut l'œuvre du '' livre de prière commune '' (Common payer book) toujours en usage de nos jours âpres de nombreuses rectifications (la première version fut élaborée par thomas Cranmer).

Comme dans toute œuvre réformatrice, ses promoteurs en appelaient au retour des usages de l'église primitive...c'est une démarche bien connue mais qui ne parut pas encore suffisante...

L'influence de théologiens protestants refugies en Angleterre allait se faire sentir sous peu...

Des 1552, le '' Common payer book '' allait être révise de fond en comble et par exemple, l’agenouillement au moment de la communion n'impliquait en aucune façon la moindre adoration des espèces...

Cette version, comme la précédente, était évidemment impose par le second acte d'uniformité du règne.

Quand on lit l'intitule des titres du monarque à savoir '' roi d Angleterre de France et d Irlande défenseur de la foi et chef suprême en terre sous christ de l église d Angleterre et d Irlande ''

On ne peut s empêcher de penser qu’était ainsi affirmée la mission évangélique de l Angleterre dans le cadre d une régénération totale du christianisme;

Ces reformes ne furent pas acceptes sans opposition et des ce moment on peut constater que va se développer un climat de troubles et de rebellions a base de contestation religieuse et sociale lors de la disparition d Edouard vi en 1553...

Le problème de la succession de la couronne se posa avec acuité compte tenu de la ou des différentes situations matrimoniales du défunt Henri viii...

Le pays connut alors une situation chaotique accompagnée de développement parfois sanglants avec en toile de fond la perspective d’une restauration du catholicisme par le jeu de possibles alliances royales... (Perspective qui remplissait d effroi tous ceux qui avaient acquis des biens d’église ...).

Nous sommes obliges faute de temps de passer sur certains aspects de cette période pour en arriver en 1558 a l accession au trône d Angleterre âpres bien des vicissitudes, de la reine Elisabeth première du nom et fille d Henri viii et de la malheureuse Anne booléien, car ne perdons pas de vue que ce qui nous importe ce soir ce n est pas l histoire complète de l Angleterre, mais de souligner les aspects qui selon nous ont un rapport avec le but que nous nous sommes fixes et que nous avons énonce au début de ce têt communication.

Quelle fut l action de la souveraine sur le plan religieux en son royaume ?

Que peut-on en dire ?

En 1559 elle renonça au titre de ''chef suprême'' de l église d' Angleterre pour celui de ''suprême gouverneur'', de plus, le livre des prières communes de 1552 fut remis en vigueur avec plus de modérations dans sa formulation...a titre d exemple l usage des ornements fut rétabli;

Mais il fallut attendre 1563 et 1571 pour que ce que l on ne nommait pas encore l anglicanisme (ce ne sera le cas qu’en 1660) se dotât d un réel corpus doctrinal connu sous le nom des 39 articles qu’il n’est pas question d étudier dans le détail.

Ayons en mémoire que les principaux points de divergences d’avec le catholicisme romain portent sur le purgatoire, les sacrements au nombre de deux, le baptême et la cène tous deux institues par le christ (les autres n étant pas mis au nombre des sacrements de l évangile), l eucharistie (pas de transsubstantiation), le mariage des prêtres et la suprématie royale.

A noter aussi des différences dans la pratique liturgique surtout de la messe dont on évite de prononcer le nom (on lui préfère la cène).

Mentionnons que le Common payer book reprend les sacrements cites plus haut et les pratique dans un style différent.

Mais nous ne sommes pas la pour porter le moindre jugement de valeur ou d ordre théologique, cela va de soi, il ne s agit ici que de faire œuvre d historien.

On ne peut que constater a la lecture des 39 articles l influence prépondérante de la reforme sur le plan dogmatique qui malgré tout ne changea pas les formes des institutions ecclésiastiques conservant les appellations de prêtres, cures, évêques et les ornements sacerdotaux....

Le long règne élisabéthain (1559 – 1603) vit donc une structuration de cette religion nationale dont Henri viii ne fut en rien le créateur, nous l'avons déjà vu...mais cette nouvelle organisation réussit elle à satisfaire tous les croyants ?

C est la question que l on doit se poser et l’on connait déjà la réponse : c est non et c est ce que nous verrons dans le prochain chapitre.

Si l’intention primitive est louable, celle de donner un cadre commun a tous les fideles du royaume, le fait de créer une véritable religion d état devait entrainer des conséquences dramatiques pour l ensemble de la société anglaise et ce des les années 1570.

Le compromis anglican allait trouver en face de lui de nombreux adversaires de tous bords.

L’état monarchique allait devoir batailler contre les catholiques mais aussi contre ces protestants idéalistes, voire fondamentalistes, que l on qualifiait de puritains...

L’église d’Angleterre devait faire face a une question d importances : jusqu’ ' ou voulait on reformer ?

Comme l écrit le grand historien de l Angleterre, Bernard cotret en faisant référence au livre de richard Hooker '' des lois de la politique ecclésiastique '', '' le temps des apôtres est révolu. On ne renouera jamais totalement avec le moment fondateur du christianisme. Mieux vaut se faire une raison et admettre, contre les puritains, l'aspect relatif voire indifférent des usages. d ou le caractère essentiellement '' politique '' au sens français du compromis anglican : il revenait a la reine et a son parlement de fixer les règles en définissant une double exclusion aux deux bouts du spectre doctrinal, les puritains et les papistes, également suspects de fanatisme.'' fin de citation.

Cette religion du juste milieu ne peut laisser indifférents les mâcons que nous sommes tout en prenant bien garde de ne commettre aucun anachronisme en y voyant la marque d un esprit de tolérance avant la lettre.


En 1571 la loi interdit sous peine de haute trahison de dire que la reine était hérétique ou schismatique, ces deux opinions étant punis de mort.

On se doute que la lutte a outrance avec l Espagne (1588) ne fit que renforcer la législation anticatholique et en 1585 les prêtres catholiques et les jésuites furent a leur tour passibles du crime de haute trahison...

Nous verrons qu’un royaume renforce par toutes les épreuves subies durant la guerre avec la puissance espagnole n’était pas a l' abri de nouveaux épisodes a la fois tragiques et sanglants.


3 / Vers des temps troubles (1625 – 1688).

L’intitule de ce chapitre englobe pour des raisons chronologiques le règne de jacques Ier qui pour une fois ne fut pas marque par des affrontements très violents au sein de la société anglaise.

A la mort de la reine en 1603, le trône échut a jacques vi d écosse fils de mary Stuart qui devint jacques Ier d Angleterre.

Bien qu’il aimait a se proclamer roi de grande Bretagne, il ne fut jamais que roi d écosse et d Angleterre, les oppositions entre les deux peuples étant trop fortes.

Que retenir de ce règne de 23 ans ?

L’expansion coloniale d abord vers l’Irlande puis vers le nouveau monde avec les méthodes que l’on sait...bon moyen pour le monarque de se débarrasser des puritains et de favoriser par la le développement de la puissance britannique outre mer.

Si le roi n avait que peu de sympathie pour les puritains considère toujours comme des sectaires impénitents, il regardait d un assez mauvais œil les catholiques surtout depuis la tentative de Guy fawkes de faire sauter la chambre des lords (la fameuse conspiration des poudres en 1605).

Ajoutons que sur le plan religieux le roi fut à l' origine de la traduction de la bible en anglais en 1611 connu sous le nom de '' King James bible ''.

Retenons simplement que le roi jacques sut faire preuve d un anglicanisme modère servi par une intelligence au dessus de la moyenne qui lui faisait souhaiter une entente entre tous les royaumes chrétiens a condition que le pape renonçât a toute tentative hégémonique sur les églises nationales.

C’est son fils Charles Ier qui lui succéda en 1625 et qui prit pour épouse la fille d Henri iv, Henriette de France.

Le fait que la nouvelle reine fut catholique modifia considérablement le climat entre la cour et le pays.

Charles Ier, d'un caractère beaucoup plus autoritaire que son défunt père n’allait pas tarder à engager une épreuve de force avec le parlement estimant qu’il n avait de compte à rendre qu’a dieu.

C’était bien mal augurer de son règne.

Cette période plus proche dans le temps, a fait l objet de nombreuses études et il est plus facile d en suivre le fil...sans rentrer volontairement dans des détails factuels.

Sachons simplement que ce règne fut marque par une lutte croissante entre le monarque et le parlement, tous deux soucieux de leurs privilèges, sur fond de différents avec l’écosse presbytérienne et de scènes de guerres en Irlande entre papistes et colons protestants...et ce des 1641...

Religion et politique ne cessèrent plus alors d’être inextricablement liées...

Comme souvent en ce cas on prétendait que le roi était mal entoure !

Et afin d améliorer la situation le '' long parliament '' envoya a la potence le principal conseiller du monarque, le comte de Strafford en guise d avertissement...

Charles Ier comprit tout de suite qu’après les évêques qui se trouvaient dans la ligne de mire de son opposant (comme contraires a la loi du royaume) ce serait le tour de la reine et peut être le sien...

Le 22 aout 1642 la guerre civile commençait...dans le trouble et la confusion car chaque camp était profondément divise.

Armée royale et armée du parlement dirigée par un certain olivier Cromwell s’affrontèrent à plusieurs reprises dans des combats incertains.

Une nouvelle reforme religieuse plus radicale voyait le jour l’épiscopat était aboli, le Common prayer book remplace par un guide des cultes publics d inspirations nettement presbytérienne.

La confession de foi de Westminster remplaçait les 39 articles et ce dans un sens très calviniste en 1646.

La guerre civile continuait de plus belle dans une confusion totale, émeutes royalistes ,incursions écossaises, retournement d' alliance, radicalisation d' éléments de l armée du parlement, ressentiment contre les directives parlementaires, alliance de Charles 1er avec les écossais, bref cette fois ci le pays était a feu et a sang...

Le 4 janvier 1649 le parlement (prive de la chambre des lords et du roi) déclarait que '' le peuple est âpres dieu la source de tout pouvoir. Les communes d’Angleterre assemblées en parlement représentent le peuple qui les a choisies : elles constituent le pouvoir suprême de la nation. Tout ce qu’elles promulguent comme loi à force de loi : tout le peuple de cette nation est engage par leurs décisions même si le roi ni la chambre des pairs ne donnent leur assentiment ‘‘.

La suite nous la connaissons le roi reconnu coupable de haute trahison fut exécute le 30 janvier 1649.

Les hostilités se poursuivirent encore en écosse et en Irlande et même en Angleterre ou Cromwell. Montra a ceux qui en auraient doute de quoi il était capable en matière de répression impitoyable y compris contre certains de ses propres partisans juges trop extrémistes...

En décembre 1653, olivier Cromwell était proclame '' lord protectorat '' véritable dictature de salut public avant la lettre.

Sans vouloir noircir le personnage, on sait que la dérive autoritaire d’un tel régime ne dans le sang ne pouvait que s’accentuer, c est la règle commune en la matière, surtout quand on pense que l’on a été choisi par le seigneur pour accomplir de telles taches...

Mais cet autoritarisme s' exerça plus sur le plan politique( assurant en sa personne les pouvoirs exécutifs législatifs et judiciaires ) que religieux le lord protectorat acceptant la pluralité des cultes, des cultes protestant cela va sans dire...sans oublier le retour des juifs proscrits depuis le xiii Emme siècle.

A la mort du dictateur en 1658 se posa à nouveau l’éternelle question : que faire ?

A la suite de rapides tractations et afin de retrouver la paix civile le retour des Stuarts fut négocie avec l aide du général Monk qui avait servi toutes les parties en présence, le roi reconnaissant la liberté de conscience a ses sujets et pardonnant a presque tous les régicides mais pas a tous...

Le cadavre du défunt lord protectorat fut exhume pour être pendu post mortem et les plus notables régicides pour faire bonne mesure furent exécutes...les choses semblaient rentrer Dans l ordre...

Le roi Charles ii fut monta donc sur le trône d Angleterre en 1660 bien qu’il était censé régner depuis 1649 date de la mort de son père.

Le pays allait il enfin retrouver un semblant de paix ?

Et peut-on parler de restauration anglaise ?

Le pays restait malgré tout profondément divis sur le plan religieux...

Comment réunir tous les fideles au sein d’une même église nationale ?

Comment essayer d’imposer ce que l’on nommait maintenant l’anglicanisme et ce en dépit de l opposition des non conformistes ? (les dissenters).

L’anglicanisme par un acte de 1673 devint obligatoire pour exercer tout emploi public...(le serment précisait que '' l on ne croyait pas qu’il y ait transsubstantiation des espèces du pain et du vin dans le sacrement de la sainte cène ni pendant ni après leur consécration et quel que soit le desservant).

On ne peut pas parler d apaisement, bien au contraire...surtout lorsque jacques ii allait bientôt succéder a Charles ii qui mourrait muni des sacrements de l église catholique.

Un royaume protestant pouvait il avoir un monarque catholique ?

La question fut débattue avec passion dans tout le pays.

De 1679 à 1681 trois parlements demandent l’exclusion du duc d' York de la succession car catholique.

Mais la révocation de l’édit de Nantes en 1685 par louis xiv provoqua de très vives inquiétudes en Angleterre...et ne fit qu’accentuer le climat de troubles latents...

Et si un roi d Angleterre se mettait en tête d en faire autant ?

Jacques ii en avril 1687 et avril 1688 promulgua une déclaration d’indulgence ou il exprimait son souhait que tous ses sujets fussent catholiques mais en exprimant son attachement a la liberté de conscience.et son rejet de toute contrainte ecclesiastique.

Les lois visant catholiques et dissidentes furent suspendues... (Ce qui inquiéta a leur tour l’anti papistes acharnes et le clergé anglican).

Mais il était trop tard dans un pays en ébullition...

La naissance d un royal rejeton en juin 1688 assurant l avenir du catholicisme en Angleterre ne fit que précipiter les événements.....


4 / La glorieuse révolution de 1688 et ses suites.

Si l’on s’en tient à l’aspect purement militaire de cette période, on constate la différence existante d’avec la première révolution que nous avons vue précédemment...

D' abord en ce qui concerne la première : la durée de 1642 a 1658 a peu près avec de multiples affrontements extrêmement meurtriers accompagnes d’actes de cruauté effroyables...

C’est une révolution qui n en finit pas de finir et qui traine en longueur avec au passage l épisode tragique de l exécution du roi Charles I er.

Qu’ 'en est il de la seconde ? De la glorieuse révolution ?

On peut la résumer très simplement en quelques lignes...

Le 5 novembre 1688 débarquement de guillaume d’orange en Angleterre...

Le 13 février 1689, la couronne est offerte conjointement à guillaume et à marie Stuart, fille de jacques ii.

Le i er juillet 1690, les armées de jacques ii sont définitivement écrasées lors de la bataille de la Boyne en Irlande.

Fin de l épisode.

On peut se demander ironiquement si la glorieuse révolution a bien eu lieu ?

Et pourtant plus que dans les chapitres précédents, nous devons nous pencher sur les modalités et sur les suites de cette révolution qui contribua à instituer une forme nouvelle de gouvernement.

Il faut se reporter au '' bill of rights '' de 1689 qui demeure à ce jour un des fondements des libertés anglaises...

Sur le plan religieux que disait le '' toleration act '' ?

Il suffisait de considérer guillaume d’orange comme le roi légitime, de se prononcer contre le pouvoir du pape de déposer les rois, de croire à la sainte trinité et aux saintes écritures pour pouvoir vivre en paix...

Mais si l’on se penche avec plus d’attention sur les suites de la glorieuse révolution...que voit-on ?

Simplement qu' en contraste avec les monarchies absolues continentales, les anglais s' étaient dotes d' un régime constitutionnel et parlementaire d' abord a la suite de l expérience des années 1640 et surtout suite aux événements de 1688 / 1689...ce qui dans le contexte européen du 18e siècle pouvait sembler extraordinaire...a telle enseigne que certains textes n hésiteront pas ultérieurement a associer la figure de Cromwell avec la franc maçonnerie sans apporter la moindre preuve ! ( textes tardifs il est vrai ).

Dresser le bilan de la glorieuse révolution n’est pas contrairement à l' idée reçue chose aisée...

Peut on la considérer comme l un des actes fondateurs et précurseurs du xviii Emme siècle en posant la question fondamentale pour nous macons, de la tolérance ? (tolérance relative si l’on considère la situation des irlandais et des catholiques).

La encore il nous faut examiner plusieurs aspects de cette révolution anglaise...

Comme l’exprime le '' bill of rights '' le pouvoir du monarque de dispenser des lois et d en suspendre leur application sans l’accord du parlement était a jamais prohibe...

On peut affirmer qu’une monarchie mixte a supplante l’ordre ancien régi par l’absolutisme...

Peut on parler de la glorieuse révolution sans parler de l œuvre du philosophe John Locke dont '' les deux traites du gouvernement civil '' et les '' lettres sur la tolérance '' parurent en 1689 / 1690 ?

Sans en faire évidemment un acteur de ces événements....

Il fut peut être malgré lui considère comme le meilleur représentant de l esprit de 1688 de par sa théorie du contrat social et son idéal de tolérance...

Pour lui comme pour d’autres penseurs du xvii eme siècle, la révolution doit se concevoir presqu' au sens astronomique du terme...c est un retour ou si l on veut une restauration...

Un de ses amis James tyrell n’écrivait il pas :

'' Je ne suis pas ce que le monde appelle un républicain ou un partisan du Commonwealth; je ne désire ni ne souhaite la moindre altération dans le gouvernement de l église ou de l état. Nul plus que moi en effet n admire l excellence de notre constitution et je préfère plus que tout une monarchie héréditaire a une succession élective ‘‘.

D' où l erreur de faire de la révolution de 1688 une révolution bourgeoise même si l on y trouve une nouvelle réalité économique...n a t elle pas avec la prédominance de la gentry renforce au contraire certaines oligarchies ?

Comme l a écrit l historien Plumb '' la révolution de 1688 a été le monument que la gentry a érige a son sens opiniâtre de l indépendance ‘‘. (1 % possédant 70 % des terres en 1990).

En ce qui concerne la tolérance elle sera limitée vis a vis des protestants non conformistes (exclusion de l administration) et vis a vis des catholiques jusqu’ au xix eme siècle, même s’il vaut mieux être catholique en Angleterre que protestant en France...

Mais le bilan global de la glorieuse révolution......quel est il ?

La société anglaise est elle totalement apaisée ? Elle apparait toujours divisée les partis politiques whigs et tories prenant le relais des querelles religieuses d avant...

Il est plus facile nous l avons vu en citant le bill of rights d’en dresser un bilan politique qu’un bilan social...

Néanmoins, on ne peut s’empêcher de citer un texte célèbre de Guizot datant de 1850 qui mérite d’être écoute attentivement pour le tableau qu’il dresse et qui annonce cette Angleterre du xviii eme siècle.

"Pourquoi la révolution d Angleterre a-t-elle réussi ? ''

"L’Angleterre avait appris par ses premières épreuves qu' une révolution est en soi un désordre immense et inconnu qui inflige a la société de grands maux, de grands périls, de grands crimes et qu' un peuple sensé peut être un jour contraint d' accepter mais qu’ il doit redouter et repousser jusqu' a l heure de l' absolue nécessite.

L’Angleterre s’en souvint dans ses épreuves nouvelles.

Elle supporta beaucoup, elle résista longtemps pour échapper a une nouvelle révolution et ne s’y résigna qu' a la dernière extrémité quand elle ne vit plus nul autre moyen de sauver sa foi, ses droits et son honneur.

L’Angleterre en 1688 n’aspira point à changer les bases de la société et les destinées de l humanité; elle revendiqua et maintint une foi, des lois, des droits positifs dans lesquels se renfermaient ses prétentions et ses pensées.

Elle accomplit une révolution fière à la fois et modeste qui donna au pays de nouveaux chefs et de nouvelles garanties mais qui ce but une fois atteint se tint pour satisfaite et s’arrêta ne voulant rien de moins mais ne prétendant rien de plus.

Cette révolution fut accomplie non par des soulèvements populaires mais par des partis politiques organises.

Populaire dans ses principes et dans ses résultats, la révolution de 1688 fut aristocratique dans l exécution. ''

Anticipant dans le temps vous me permettrez de conclure ce chapitre en citant – déjà - jean Théophile Desaguliers qui dans un texte de 1728 disait : '' bien que je ne me sois jamais consacre a l’étude de la politique et que j’ai toujours préfère obéir par sens du devoir que disséquer la gestion de mes supérieurs, cependant mes études philosophiques m’ont conduit à traiter le gouvernement comme un phénomène.

La forme la plus parfaite de gouvernement n’est elle pas celle qui se rapproche le plus du gouvernement de notre système solaire et qui suit les lois établies par le grand architecte de l univers dans toute sa sagesse et sa puissance infinie ?

Lorsque l’incomparable sir Isaac newton nous donne des faits et des démonstrations au lieu de suppositions et de conjectures l’esprit n’est il pas conquit par la beauté du système ?

La monarchie limitée qui garantit nos libertés, nos droits et nos privilèges avec autant de bonheur en telle sorte que toutes les nations nous envient semble être à l’image même du système solaire...

L’attraction est aussi universelle maintenant dans le domaine politique que dans le domaine philosophique ‘‘.

(The Newtonian system of the world, the best model of government, an allegorical poem, Westminster, 1728.)

Au cours de cette soirée, nous aurons vu brièvement le contexte historique, politique et religieux servant de cadre a l' élaboration progressive d' un '' climat '' philosophique et intellectuel qui trouvera sa place dans des structures que nous présenterons la prochaine fois...et qui , a leur tour, seront propices a de nouvelles formes de sociabilité.

Retenons pour finir les points les plus importants de notre propos :

1/ la séparation de l 'Angleterre de la communion romaine pour des raisons d'abord '' politiques ''.

2/ l' élaboration d'une église '' nationale '' .

3/ l'établissement d'une confession '' nationale '' .

4/ un changement radical de dynastie.

5/ la mise en place d'un système de gouvernement nouveau pour ce siècle.

Bref, on peut dire que le décor est presque plante pour que parallèlement a cette époque emplie de bruits et de fureurs, des hommes cultives et de bonne volonté se retrouvent ensemble dans de nouveaux cadres pour y développer des perspectives nouvelles tant sur le plan intellectuel que scientifique et aussi bien entendu sur le plan moral...

(suite et fin bientôt disponible à la lecture)

2e partie

1. Les débuts de l’érudition historique en Angleterre et ses conséquences.

A la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle apparaît ce mouvement d’érudits, fils de la Réforme et de la Renaissance, qui s’intéressent aux origines de la nation britannique, aux « Antiquités ». La Society of Antiquaries, « antiquaires » signifiant « érudits », naît. Le plus célèbre d’entre eux est William Camden (1551-1623), roi d’armes de Clarence, qui publie en 1586 Britanniae descriptio. Cependant cette société d’intellectuels qui réfléchissent aussi sur les formes de gouvernement finit par déplaire au roi Jacques 1er et préfère se dissoudre en 1607. Les études érudites ne continueront pas moins au cours du XVIIe siècle (Monasticon Anglicanum, 1655-1673 ; John Aubrey, 1626-1697, membre de la Royal Society s’intéresse à Stonehenge, etc.).

2. Le système héraldique en Angleterre.

Il réunit également des érudits tel Elias Ashmole, alchimiste, futur membre de la Royal Society qui publie en 1652 Theatrum chemicum britannicum.

3. Elias Ashmole atteste dans son Journal en 1646 et 1682 deux activités maçonniques.

Mais dans quelle sorte de loge fut-il reçu en 1646 ? Quelles étaient ses motivations ? De même quelle cérémonie a-t-il vécu ? Et en 1682, quelle institution visita-t-il ? Quels liens avec des maçons opératifs ? Quel rapport entre ce qu’il a vécu en 1646 et en 1682 ?

4. La Royal Society.

Elle est fondée en 1660 pour promouvoir la science fondée sur l’expérience par des hommes comme Christopher Wren, Robert Morray et d’autres. Cette société aura rapidement une influence intellectuelle considérable. Newton en sera son président. Desaguliers contribuera à répandre les idées de Newton. Toutefois, sur l’influence de la Royal Society sur la naissance de la franc-maçonnerie, il convient plutôt de lire les ouvrages de Jérôme Rousse-Lacordaire que ceux de Michael Baigent ou ceux de Robert Lomas.

5. Seuil de la naissance de la franc-maçonnerie spéculative obédientielle

Nous voilà maintenant aux dernières années du XVIIe siècle, au seuil de la naissance de la franc-maçonnerie spéculative obédientielle. Les témoignages anglais s’amenuisent (ceux de Randle Home, héraldiste, dans les années 1660 et d’une réception par le duc de Richmond vers 1695-1696) puis il y a un véritable fossé, un hiatus, documentaire jusqu’à « 1717 ».

Conclusion

Mais où étaient les érudits, les savants, les intellectuels lors de cette mythique réunion de 1717 ? Ils n’apparaîtront qu’à partir de 1719 avec Jean-Théophile Desaguliers. La Society of Antiquaries est refondée officiellement en 1718.La première réception maçonnique est attestée par William Stuckeley, antiquarian, en 1721.