Enquête sur l'étrange visite de Jean-Théophile Désaguliers à la Loge écossaise d'Edimbourg Mary's Chapel n°1, en 1721

François Delaporte

Mars 2008

J’aimerais tout d’abord vous remercier, Vénérable Maître, de m’avoir demandé de présenter ce sujet dans l’unique but, je le comprends seulement maintenant, de me dispenser de prendre des notes sur les propos du conférencier. Vous n’êtes pas sans savoir qu’à la Loge Nationale Française, nous sommes tenaces. Nous prenons notre temps mais nous n’oublions pas. Si vous le permettez, j’aimerais introduire cette intervention sur la visite de Jean-Théophile Désaguliers à la Loge Mary’s Chapel par une conclusion. Cette conclusion figure dans le numéro 83 de la revue Renaissance Traditionnelle datée de Juillet 1990, à la fin d’un article de notre Frère Roger Dachez. Je cite : « Ne conviendrait-il pas […] de reconsidérer la fameuse visite de Jean-Théophile Désaguliers à la Loge d’Edimbourg en 1721 […] ? Une certaine tradition anglaise laisse entendre qu’il apporta, ce jour-là, des connaissances nouvelles aux maçons écossais. Est-ce si sûr ? […] Ne vient-il pas immédiatement à l’esprit que c’est Désaguliers qui, profitant d’un déplacement professionnel à Edimbourg, venait rechercher ou préciser des connaissances indispensables ? » Je vous propose donc mes Frères, dix-huit ans après, d’essayer de faire un point, de reconsidérer la fameuse visite du 24 Août 1721 de Jean-Théophile Désaguliers à la Loge Mary’s Chapel d’Edimbourg.

La situation de l’Ecosse au début du 18ème siècle

Avant ce qui s’est passé le 24 Aout 1721, il nous faut considérer ce qu’est l’Ecosse à cette époque. Peuplée d’environ 1 million d’habitants contre 5 à l’Angleterre, son revenu national est de l’ordre de 1/38ème de celui de l’Angleterre . La population est essentiellement rurale. Edimbourg, la plus grande ville d’Ecosse atteint 30 000 habitants, ce qui est du niveau de plusieurs villes de province en Angleterre. Glasgow, la deuxième ville du pays n’a que 15 000 habitants et Aberdeen, Dundee, Perth et St Andrews ne sont que des bourgs de 4 à 5 000 habitants.

Plan d'Edimbourg au milieu du XVIIIème siècle

La situation économique de l’Ecosse est catastrophique. Les années 1692 à 1699, appelées les « sept années maudites du roi Guillaume » en référence à l’Ancien Testament, sont dramatiques : Les hivers rigoureux succèdent aux étés pluvieux et créent une grande famine. « On voit des hommes et des femmes tomber d’inanition au bord des chemins ou dans les rues, des enfants périr par l’épuisement du lait de leur mère. La mort est présente parmi les pauvres gens […] ». L’hygiène est déplorable. Une seule rue d’Edimbourg est pavée. Les épidémies ont déjà frappé.

Conséquence immédiate de ces famines, l’émigration, notamment vers l’Amérique est très importante et influe sur la démographie. On estime à 100 000 le nombre total d’expatriés écossais au cours du 17ème siècle.

Les importations en provenance de l’Angleterre n’existent presque pas. En retour, les Ecossais n’ont pas accès aux marchés engendrés par les colonies anglaises. Ce blocage, pour ne pas dire blocus, va encourager les écossais à se lancer dans l’aventure de la colonisation. William Paterson, né en 1658 est riche. Il a fait fortune en Amérique et en Inde. Il revient en Ecosse et lance un projet de colonisation sur l’isthme de Darien, qui correspond aujourd‘hui au Panama. L’idée porteuse de son projet est de faire commerce terrestre entre les marchandises maritimes de l’Atlantique et du pacifique. Il crée à Edimbourg la Company of Scotland Trading to Africa and the Indies en 1695. L’Angleterre, voyant là une tentative de concurrence de son East India Company laisse les Ecossais financer ce projet et intervient même pour que des hollandais s’y retirent. Paterson crée néanmoins un engouement tel que des milliers d’Ecossais participent au financement de ce projet pour une somme totale de 400 000 £, ce qui est estimé à la moitié du capital national écossais. C’est ainsi que le 12 juillet 1698, 1200 volontaires quittent le port de Leith.

Le port de Leith

Le 2 Novembre 1698, ils débarquent à l’endroit prévu et baptisent cette terre New Caledonia. Mais ils ne trouvent qu’une terre inhospitalière principalement constituée de marécages et de terres infertiles. Pendant le même temps, une deuxième vague de 1 300 colons part d’Ecosse. Sous la pression des espagnols, les colons décident d’abandonner l’isthme de Darien. Sur les 16 bateaux partis, un seul en reviendra. Plus de 2000 écossais sont morts dans cette aventure et bien plus encore sont ruinés.

C’est donc dans une situation économique, démographique et sociale catastrophiques que le parlement ratifie le 16 janvier 1707 l’Acte d’union avec l’Angleterre par 110 voix contre 69. Cet acte est loin de faire l’unanimité. Robert Burns dira à propos des députés écossais : « Ils ont été achetés et vendus par l’or anglais ». Des émeutes éclatent encore et la population est majoritairement contre cette union « contre nature » bien des années après. C’est donc dans une atmosphère encore (et toujours) tendue entre l’Angleterre et l’Ecosse qu’a lieu le voyage de Jean-Théophile Désaguliers.

La situation de la Grande Loge de Londres

Nous ne savons pas énormément de choses de la Grande Loge de Londres en 1721. Cela est principalement du à la disparition dans un incendie en 1722 des archives de la Grande Loge. De 1717 à 1722 donc, pas d’archives, pas de certitude. On sait que par la suite, James Anderson, réécrivit, de mémoire, les minutes des cinq premières années de la Grande Loge de Londres. Mais quel crédit pouvons-nous y apporter ? Par exemple, James Anderson dit que dès la première tenue de 1717, Anthony Sayer n’a été élu que dans l’attente de voir un noble occuper cette charge. Est-ce ce qui s’est vraiment dit et décidé ou est-ce une flatterie envers le duc de Montagu, élu en 1721 ou envers le duc de Wharton, élu en 1722 ? En 1721, Jean-Théophile Désaguliers, descend de sa charge de Grand-Maitre. Il ne sera député Grand-Maitre qu’en 1723. Alors quel est son rôle, son action au sein de la Grande Loge ? Nous savons qu’il a été demandé à James Anderson, dont la source de revenus principale est de créer des généalogies, d’écrire l’histoire du métier. Nous savons par ailleurs que de très nombreuses personnalités, notamment du monde scientifique et de l’aristocratie entrent en maçonnerie à cette époque. Doit-on rappeler que sur les quatre premières loges qui firent la Grande loge de Londres, on suppose que trois ont été créées pour l’occasion ? En 1722, on dénombre vingt-quatre loges. C’est dire l’essor important que prit la Grande Loge dès ses débuts. On prête à Jean-Théophile Désaguliers un rôle très important dans le recrutement de cette époque et notamment celui du duc de Montagu. Il est vrai que Désaguliers avait ses entrées… Toujours est-il qu’il parait pour le moins évident que ce n’est pas parce qu’il n’occupe pas de poste au sein de la Grande Loge que Jean-Théophile Désaguliers n’en est pas actif pour autant.

La situation de la Loge Mary’s Chapel

La situation de la Loge Mary’s Chapel est toute autre. Tout d’abord, elle doit faire face à une « concurrence » nouvelle. Lisons ce qu’en dit Stevenson : « Jusqu’à la fin du 17ème siècle, elle était dans la zone urbaine la seule loge sous le contrôle de la municipalité d’Edimbourg, même si quelques maçons de Cannongate appartenaient à une autre loge, celle d’Aitchison Haven. Dès la deuxième décennie du 18ème siècle, il y avait quatre loges dans cette zone, deux des trois nouvelles ayant été fondées par défi à Mary’s Chapel. En 1677, les maçons de Canongate, où la juridiction de Mary’s Chapel ne s’appliquait pas, avaient fondé leur propre loge. En 1688, les maçons de Leith les avaient imités ; puis dans les années qui suivirent 1708, un grave conflit au sein de la loge Mary’s Chapel conduisit de nombreux compagnons à couper les ponts et à fonder leur propre organisation, qui devint bientôt une loge séparée. Loin d’être « la première loge » d’Ecosse, dans le sens de l’exercice d’une certaine autorité sur toutes les autres loges du pays, ainsi que Schaw l’avait prévu un siècle auparavant, la loge d’Edimbourg ne parvenait même pas à imposer sa volonté à sa propre porte ! ».

L’autre point important de la situation de Mary’s Chapel au moment de la visite de Jean-Théophile Désaguliers concerne son recrutement de non-opératifs. Entre 1630 et 1674, un « mince filet » de non-opératifs avaient été initiés. Puis pendant vingt-cinq ans, plus rien jusqu’en 1700 mais surtout en 1706 où, entre autres, Samuel McClellan (Lord Maire d’Edimbourg) ainsi que le doyen de la guilde furent admis. 1710, vit encore l’admission de non-opératifs : chirurgien, architecte, doyen de la guilde, etc ..Deux charpentiers furent également admis en 1711. Entre 1700 et 1710, la loge de Mary’s Chapel a clairement recruté dans l’Incorporation dont elle ne s’occupait guère avant, puis plus rien. Plus rien jusqu’à la visite de Jean-Théophile Désaguliers. Mais chaque chose en son temps.

Le séjour à Edimbourg

Nous n’avons pas trouvé trace de la date du départ de Désaguliers de Londres vers Edimbourg. Toutefois, les « City Council Minutes » d’Edimbourg font état que Désaguliers fut reçu bourgeois de la ville « Gild Brother » gratis et en la plus ample forme par le Doyen de la Guilde d’Edimbourg le 18 Janvier 1721. Ceci pose une première question : Jean-Théophile Désaguliers est-il revenu à Londres pour assister le 24 juin 1721 à l’installation du duc de Montagu ? Est-il retourné ensuite à Edimbourg ? Ce qui est sûr, c’est qu’il fut appelé par la ville pour résoudre un problème d’acheminement d’eau sur le l’aqueduc de Comiston. Cet aqueduc, long de trois miles, soit un peu plus de 5 kilomètres desservait un réservoir qui alimentait ensuite par gravité naturelle cinq fontaines situées en ville. Or, le débit de cet aqueduc était très faible. Jean-Théophile Désaguliers trouva d’où venait le problème : des poches d’air bloquaient la circulation de l’eau. L’histoire officielle indique que Désaguliers résolut ce problème par la mise en place de soupapes à valves qui permettait d’évacuer l’air manuellement. Si la LNF prend son temps pour essayer de répondre aux questions sans réponses, Désaguliers fut plus rapide puisqu’en 1726, il mit au point un même type de soupape qui cette fois-ci fonctionnait automatiquement . Il est à noter que la petite histoire, celle que l’on se transmet oralement, semble indiquer que c’est un simple ouvrier qui, en donnant des coups de marteaux, chassa l’air et permit de rétablir le débit normal.

Le 24 Août 1721

Ce que fit Désaguliers pendant tous ces mois à Edimbourg, personne ne semble le savoir. Toujours est-il qu’à la date du 24 Août 1721, on peut lire dans les minutes de Mary’s Chapel les lignes suivantes (par respect pour nos Frères anglophiles, j’ai préféré essayer de traduire ce texte plutôt que de le lire en anglais) : James Wattson, diacre des maçons d’Edimbourg, présidant. Lequel jour le docteur John Theophilus Desauguliers, compagnon de Royal Society et chapelain en ordinaire de sa Grâce James, duc de Chandois, dernier Maitre Général des Loges maçonniques en Angleterre, étant en ville, et désireux d’avoir un entretien avec le « Deacon », le « Warden » et les Maitres Maçons d’Edimbourg, ce qui lui fut accordé et le trouvant dûment qualifié en tous points de la maçonnerie, ils le reçurent comme un Frère dans leur Société. »

Impossible pour nous de ne pas nous arrêter sur ce texte. Plusieurs remarques viennent à l’esprit. Le premier point concerne les titres donnés à Jean-Théophile Désaguliers. Le titre de Compagnon de la Royal Society vient en premier. C’est aussi le titre le plus prestigieux. Vient ensuite le titre qui lui assure des revenus constants : celui de chapelain du duc de Chandois. Enfin, vient en dernier le titre de « Dernier Maitre Général des Loges Maçonniques d’Angleterre ». Ce n’est pas son titre exact puisqu’il fut « Grand Master of masons » (Grand-Maitre des maçons) jusqu’en juin 1721. Il vient donc de descendre de charge mais était encore Grand-Maitre en Janvier 1721. Or, le secrétaire de Mary’s Chapel ne l’appelle pas Grand-Maitre mais Maitre général des Loges maçonniques d’Angleterre, ce qui est assez différent. D’aucuns y ont vu une volonté écossaise de ne pas reconnaitre la Grande Loge de Londres et donc une marque pour le moins de méfiance. Mais à y regarder de plus près, le titre donné à Jean-Théophile Désaguliers est encore plus prestigieux. Car on lui confère une autorité qui rayonne sur toute l’Angleterre, et qui plus est sur toutes les loges maçonniques. On peut donc légitimement se poser ces questions : D’où vient ce titre ? Est-ce une défiance vis-à-vis de la grande Loge de Londres ? Est-ce, au contraire une reconnaissance flatteuse des membres de Mary’s Chapel ? Est-ce le titre que Jean-Théophile Désaguliers se serait lui-même donné ? Ou est-ce peut-être ainsi qu’il a présenté la Grande loge de Londres comme étant l’organisation qui regroupe ou qui a autorité sur toutes les loges d’Angleterre ?

Le deuxième point concerne la formule « désireux d’avoir un entretien ». Cette formule est claire : c’est Désaguliers qui demande à rencontrer les membres de Mary’s Chapel. Il est à noter qu’il ne demande pas à être admis ou encore moins à être initié. Non, il demande juste un entretien. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

Le troisième point concerne le passage « le trouvant qualifié en tous points de la Maçonnerie ». Si l’on sait que l’expression « les points de la Maçonnerie » est typiquement écossaise, on ne connait en revanche pas ce qu’elle recouvre. Dit autrement, que sont les points de la maçonnerie ? Est-ce le mot du maçon ? Est-ce la connaissance des ouvertures et clôtures ? S’agit-il de la connaissance des rituels des cérémonies d’initiation et de passage au grade de « Fellow-Craft » ? Cette expression garde encore ses mystères. On peut néanmoins tirer une conséquence directe de ce passage des minutes de Mary’s Chapel. En effet, la seule raison valable pour laquelle Désaguliers a su répondre correctement au tuilage des membres de Mary’s Chapel est que les rituels pratiqués à Edimbourg et à Londres étaient globalement semblables. Une autre explication pourrait être de dire que cette expression ne reflète pas la réalité de ce qui s’est passé. Encore de nos jours, nos planches recèlent des expressions traditionnelles ne correspondant pas tout à fait à la réalité. Un examen plus précis des minutes de Mary’s Chapel permettrait de savoir si cette expression est utilisée à chaque fois qu’un visiteur est tuilé.

Quatrième et dernier point : «Ils le reçurent comme un frère de leur Société ». Ce passage a donné lieu à de nombreuses interprétations dues à l’ambigüité du texte. En effet, comme en français, le verbe « to receive » signifie à la fois recevoir quelqu’un lors d’une rencontre ou d’un repas mais aussi recevoir en Loge. Je vous rappelle que nous avons vu que Jean-Théophile Désaguliers a demandé un entretien, pas à être reçu en loge. Cela dit, les minutes de la Loge concernent les réunions officielles de celle-ci, c’est-à-dire les tenues. De plus, il est dit que Désaguliers fut reçu comme un Frère. Stevenson et Murray Lyon considèrent que Désaguliers est devenu membre de Mary’s Chapel. Peut-être, mais cela n’est nullement expressément indiqué. On pourrait tout aussi penser qu’à l’issue de son tuilage, Désaguliers fut considéré comme un maçon, et, par voie de conséquence, comme un frère. Mais pas comme un membre de la Loge. Un élément semble toutefois donner raison à Stevenson et Murray-Lyon. En effet, nous avons pu constater dans des minutes plus tardives de Mary’s Chapel que les visiteurs sont appelés ainsi et non pas Frères. Par ailleurs, le tuilage n’est pas mentionné. Il semble donc que l’on ait fait de la visite de Désaguliers un fait tout à fait extra-ordinaire, au sens littéral du terme.

Les 25 et 28 Août 1721

Il nous semble important de continuer notre lecture des minutes de Mary’s Chapel. On peut en effet lire à la suite de la journée du 24 Août 1721 : « De même, le 25ème jour du dit mois, les « Deacons », « Warden », maitres et plusieurs autres membres de la Société, ensemble avec le dit Docteur Désaguliers qui se sont rencontrés à Mary’s Chapel, où une demande leur fut présentée par John Campbell, Lord-Maire d’Edimbourg ; George Preston et Hugh Hathorn, baillis ; James Nemo, trésorier ; William Livingston, Diacre-Secrétaire des Négoces ; et George Irving, Secrétaire du Doyen de la Cour de la Guilde ; et désirant fortement et humblement être admis membres de la dite Société ; ce qui a été considéré par eux, en conséquence ils répondirent favorablement à ce désir, et les dites honorables personnes furent admises et reçues Apprentis-Entrés et Compagnons du Métier ».

Lisons maintenant la minute suivante, celle du 28 Août 1721, soit trois jours plus tard. « Et de même, le 28ème jour du dit mois, il y eut une autre demande donnée par Sir Duncan Campbell of Lochnell, baronnet ; Monsieur Robert Wightman, actuel doyen de la guilde d’Edimbourg ; Monsieur George Drummond, dernier trésorier de celle-ci ; Archibald Mac Aulay, dernier bailli et Patrick Lindsay, marchand ; désirant le même profit, qui fût aussi accordé et ils furent reçus comme membres de la Société comme les autres personnes susmentionnées. Le même jour, James key et Thomas Aikman, serviteurs de James Wattson, Diacre des maçons, furent admis et reçus Apprentis-Entrés et payèrent à James Mack, Warden, les droits ordinaires. »

Regardons là aussi d’un peu plus près ce texte. Tout d’abord, la présence de Jean-Théophile Désaguliers n’est expressément attestée que pour le 25 Août 1721, lendemain de sa première visite. Bien que pour le 28 Août, on stipule que cela ce soit passé comme pour le 24 Août 1721, cela n’englobe pas, à notre avis, la présence de Désaguliers. A la question de savoir pourquoi aurait-il été présent le 24 Août et non le 28 Août, il convient à notre avis d’étudier les personnes initiées ces jours. On constate que le 24 Août 1721, ont été initiés le Lord-Maire en exercice, le trésorier de la ville, 2 baillis, un des représentants des marchands, toujours pour la ville. En somme, les employeurs de Jean-Théophile Désaguliers à Edimbourg dont celui qui a commandé les travaux et celui qui les a payés. Il était donc tout à fait normal que Désaguliers soit présent à leur initiation. En revanche pour le 28 Août 1721, ce sont essentiellement des gens issues de la Guilde qui sont reçues. Si l’on ne peut pas dire que l’absence de Jean-Théophile Désaguliers ait un réel sens le 28 Août, on peut en revanche affirmer que sa présence le 25 Août a un vrai sens.

Autre remarque. Deux serviteurs ont été initiés le 28 Août 1721, ce qui pourrait laisser supposer une volonté d’élargissement social des membres de la loge. Or, ces deux serviteurs ne sont pas au service de n’importe qui mais au Diacre des Maçons, qui lui-même est peut-être membre de la Loge. Là aussi, une étude sérieuse des minutes de Mary’s Chapel pourrait nous renseigner. Vous aurez pu noter qu’ils n’ont été qu’initiés, qu’ils ne sont pas devenus Compagnons du Métier, contrairement à ce que l’on appellerait aujourd’hui leurs jumeaux. Par ailleurs, ce sont les seuls pour lesquels on précise qu’ils ont eu des droits à payer. Ce point de détail nous parait néanmoins révélateur de la société de l’époque. Car soit les personnalités reçues à Mary’s Chapel l’ont été gratuitement pour les remercier (par exemple d’avoir fait appel à Jean-Théophile Désaguliers), soit parce que c’est un honneur pour la Loge de compter parmi elle d’aussi fameuses personnes. On pourrait bien aussi dire que la courtoisie la plus élémentaire nécessite de ne jamais parler des choses pécuniaires avec des personnes de ce rang alors que ce sont des choses que l’on peut tout à fait évoquer avec des serviteurs.

Penchons-nous avec Murray Lyon sur quelques personnages parmi les 13 qui ont été initiés les 25 et 28 Août 1721.

John Campbell, initié le 25 août 1721, fut le Lord-Maire d’Edimbourg de 1715 à 1720 puis en 1723 et 1724. Campbell était connu pour son action au sein de la ville pour que celle-ci reste fidèle au gouvernement lors de la rébellion de 1715.

Archibald Mac Aulay, initié le 28 Août 1721, fut lui aussi plusieurs fois Lord-maire d’Edimbourg entre 1727 et 1749. Il devient par la suite Lord-Conservateur des privilèges écossais à Campvere. Campvere, ou maintenant Veere, est une ville des Pays-Bas. Par le mariage du lord de Veere avec la sœur de James 1er d’Ecosse en 1444, cette ville reçut comme privilège d’être l’unique ville où devait être achetées les marchandises écossaises avant d’être transférées ailleurs. Les écossais habitant Veere, était exclusivement soumis à la loi du « Conservateur de la Nation Ecossaise ». Ce privilège cessa en 1847.

Patrick Lindsay, initié le 28 Août 1721, et dont il est dit qu’il était marchand, fut élu quatre fois Lord-Maire d’Edimbourg et représenta la ville au parlement de 1734 à 1741. Il fut par la suite gouverneur de l’ile de Man.

Sir Duncan Campbell, initié le 28 Aout 1721, était le descendant direct du 3ème comte d’Argyll mais surtout, il était un ami personnel et un des conseillers de la reine Anne. L’enterrement de son père, le 10 Janvier 1714, fut l’occasion d’une manifestation importante en faveur des Stuart qui étaient exilés. On dit que ces funérailles eurent lieu en présence de 2500 hommes armés. Sir Duncan Campbell devint le capitaine d’un des six régiments indépendants d’Highlanders » engagés par le gouvernement en 1729. Ces régiments étaient appelés la Sentinelle Noire. Or, le premier colonel de la Sentinelle Noire fut John, comte de Crawfurd et membre de la Loge Mary’s Chapel. Dejà des réseaux en Ecosse en 1721 ? Plus sérieusement, on trouve trace de Sir Duncan en 1745, où de mèche avec le Prince Charles Edouard Stuart, il annonça l’arrivée de celui-ci aux partisans stuartistes d’Edimbourg. En 1747, il signa une charte en faveur de la Loge d’Inverary.

Nous avons donc un noble, ami personnel et conseiller de la reine Anne, 3 Lord-Maires passés, présents et futurs de la ville d’Edimbourg, 3 baillis, le trésorier de la ville, le doyen de la guilde, les secrétaire de l’ancien doyen et du doyen de la Cour de la Guilde, le responsable de négoces. Et tout ce beau monde devint membre de la Loge en 4 jours. Difficile de faire mieux, non ? Et tout ça faisant suite à la visite de Jean-théophile Désaguliers ; la coïncidence est pour le moins troublante.

Synthèse

Après avoir vu le contexte général et étudié de la façon la plus objective possible les minutes de Mary’s Chapel pour les 24, 25 et 28 Août 1721, vient le moment d’essayer de synthétiser ce que nous savons ou pouvons savoir des buts, des modalités et des conséquences de la visite à Mary’s Chapel de Jean-Théophile Désaguliers.

Il nous parait déterminant de préciser que compte tenu du peu d’éléments objectifs en notre possession, la plupart des hypothèses sont plausibles et, en tout cas, ne peuvent pas être contredites par les textes de l’époque. Devant une telle situation, nous avons fait le choix non pas d’émettre des hypothèses mais de poser les questions dont les réponses pourraient nous permettre de privilégier telle ou telle hypothèse.

Par exemple, nous ne connaissons pas le but du voyage de Jean-Théophile Désaguliers à Edimbourg. Etait-il purement professionnel ou purement maçonnique ? Alliait-il l’utile à l’agréable ?

Nous ne connaissons pas non plus les dates de sa présence à Edimbourg. Il semblerait d’après les AQC qu’il y était en janvier 1721 pour y rencontrer le Lord-Maire d’Edimbourg. Il est raisonnable de penser que c’était pour des raisons professionnelles, éventuellement pour se faire présenter le problème hydraulique que rencontrait Edimbourg. Il semblerait toujours d’après les AQC que Désaguliers fit plusieurs visites à Edimbourg et aux alentours durant l’été. Est-ce à dire qu’il n’était pas présent lors de l’installation du duc de Montagu à Londres le 24 juin ? A-t-il fait l’aller-retour, sachant qu’il fallait quatre à cinq jours pour se rendre de Londres à Edimbourg ? Quels contacts a-t-il eu à Edimbourg avant le 24 Août 1721 ?

Il est difficile d’imaginer Désaguliers se présentant à la porte de Mary’s Chapel pour annoncer que 11 membres éminents de la ville souhaitaient être initiés. Il est plus probable d’imaginer que des contacts ont eu lieu auparavant. Il est certain que Désaguliers a rencontré ses employeurs bien avant Août 1721. Il est tout aussi probable qu’il a eu d’autres contacts avant, que ce soit avec des membres de la guilde ou de la Loge.

Le fait que ce soit Jean-Théophile Désaguliers qui demande à rencontrer officiellement les membres de Mary’s Chapel nous parait important. En effet, au moment où il est demandé à Anderson de rédiger l’histoire du métier, sur laquelle les maçons de l’époque ne savent presque rien, tout renseignement est bon à prendre sur les origines écossaises. Certains historiens allèguent que Jean-Théophile Désaguliers est venu avec des rituels purement anglais afin de les faire adopter par les loges écossaises, après une sorte de démonstration qui aurait eu lieu le 25 Août 1721. Cette thèse ne semble plus du tout faire l’unanimité et nous avons pu montrer ici même durant les trois dernières années, comment la Maçonnerie écossaise a pu influencer la Maçonnerie anglaise, au moins à ses débuts. Mais il est probable que Jean-Théophile Désaguliers n’est pas venu les mains vides en proposant de faire initier des personnalités importantes. Nous avons montré dans cette brève étude que la loge Mary’s Chapel a plusieurs fois essayé de faire rentrer des personnes connues en son sein. Mais ces efforts n’ont jamais été aussi loin que lors des 25 et 28 Août 1721. La connaissance qu’avait Désaguliers des membres importants de la municipalité, ses entrées dans les cours aristocratiques ont donc du logiquement permettre de répondre aux attentes de la loge Mary’s Chapel. Est-ce par désintéressement que Jean-Théophile Désaguliers présente ces candidats ? Ou bien est-ce dans le cadre d’un échange de bons procédés ? La lecture des minutes de Mary’s Chapel, par exemple, devait autant faire baver d’envie Désaguliers que nous-mêmes.

Une autre hypothèse serait celle de la coïncidence. Désaguliers rend visite aux membres de Mary’s Chapel qui l’informent que le lendemain les employeurs de celui-ci vont être initiés. Voulez-vous vous joindre à nous ? Il nous faudrait évidemment vérifier que vous êtes maçon... Comme vous pouvez le constater, presque toutes les hypothèses sont valables.

Pour les autres personnalités, il serait important de savoir comment Désaguliers les a connues. Est-ce à titre personnel ou professionnel ? Où ? Dans quelles circonstances ?

Notre interprétation de l’absence de Désaguliers lors de la tenue du 28 Août est-elle justifiée ? Si oui, pourquoi est-il vraiment absent ?

Certains auteurs envisagent la piste « Anderson ». En effet, Anderson a été engagé pour rédiger l’histoire du métier. Mais pourquoi lui ? Est-ce parce que son père était membre d’une Loge d’Aberdeen ? Anderson a-t-il aidé Désaguliers dans ses contacts écossais ?

Nombre de questions restent sans réponse concernant les personnalités initiées ces jours d’Août 1721. Y avait-il des contacts entre la municipalité et la Loge ? Ont-ils eu des activités suivies par la suite au sein de la Loge ? Y sont-ils restés ?

Conclusion

Toutes ces questions et bien d’autres encore ne sont pas élucidées au moment de la conclusion de cette intervention. Nous avions, dans notre introduction, décidé de répondre à la question classique de la visite de Désaguliers à Edimbourg : Y est-il venu pour apporter quelque chose ou pour en tirer quelque chose ?

A la première partie de la question, il semble extrêmement probable que Jean-Théophile Désaguliers ait bien évidemment fait bénéficié la Loge Mary’s Chapel de ses relations en y faisant rentrer des personnalités, ce qu’essayait de faire la loge depuis des années. Quant à la version selon laquelle, Désaguliers aurait introduit le troisième grade en Ecosse à l’occasion de cette visite, elle ne semble pas tenir la route puisque nous savons que ce grade n’a été pratiqué à Mary’s Chapel qu’en 1738, soit 17 ans après la visite de Désaguliers et deux ans après la création de la Grande Loge d’Ecosse.

A la seconde partie de la question « Est-ce que Désaguliers est venu chercher quelque chose ? », nous ne pouvons pas répondre avec certitude absolue. Néanmoins, au moment où l’on rédige à Londres l’histoire du métier pour donner encore plus de crédit à la Grande Loge de Londres, toute information permettant d’enrichir cette histoire intéresse certainement Désaguliers. Par ailleurs, la globale similitude des rituels anglais et écossais de l’époque devait interroger Désaguliers. Enfin, dans une époque politiquement troublée de guerre civile après des années de guerre entre Ecossais et Anglais, il nous semble que l’on ne peut pas promouvoir des idées de tolérance et de fraternité sans soi-même prendre contact avec l’ancien ennemi officiel.

Il va sans dire que l’étude de cette visite à Edimbourg est loin d’être terminée. Il est particulièrement étonnant à ce sujet de constater qu’à notre connaissance, il n’existe aucune étude récente, avec des méthodes modernes de recherche universitaire concernant les minutes de Mary’s Chapel. Il n’existe pas non plus de biographie utilisant les mêmes méthodes de Jean-Théophile Désaguliers. Il est vrai que le sujet est complet, complexe et demande des connaissances non seulement historiques et maçonniques mais aussi dans chacun des domaines scientifiques auxquels il s’est intéressé. Enfin, il nous semble qu’une étude sur les conditions de la création de la Grande Loge d’Ecosse de 1736 à la lumière des actions de Jean-Théophile Désaguliers serait très intéressante. Voilà de quoi faire pour les dix-huit prochaines années !

Cette intervention était la dernière du cycle portant sur les origines écossaises de la Maçonnerie, puisque lors de notre prochaine tenue, nous pourrons poser toutes les questions que nous souhaitons relatives aux travaux de ces trois dernières années.

Je ne voudrais pas finir ce cycle sans remercier les intervenants de ces trois années. Ils ont su nous instruire, nous intéresser, nous faire aimer la maçonnerie et les sujets qu’ils nous ont exposés. Qu’ils en soient remerciés.

Je ne peux que souhaiter au nouveau collège et aux prochains conférenciers le même succès que celui que la Loge a rencontré ces dernières années. Je ne doute pas un seul instant qu’ils feront même mieux. Longue vie à la Loge William Preston !

R. Dachez in Renaissance Traditionnelle, n°83, Juillet 1990, p199

W. Ferguson, Scotland, 1689 to the present (1968), p31

M. Duchein, Histoire de l’Ecosse, (2002), p 319, citant W. Ferguson, op. cit.,p 79, citant Dr. Robert Sibbald

D. Stevenson, Les premiers Francs-Maçons, traduit par Patrick Sautrot, 2000, p 62

City Council Minutes (vol.48, 1719-1721, fol.342, cité par les Transactions of Quator Coronati lodge, vol 111 & 112

A.W. Skempton, A biographical Dictionary of civil engineers in Great Britain and Ireland

Murray-Lyon, History of the Lodge of Edinburgh, p 154-155

ANNEXE

Que savons-nous des travaux scientifiques de Jean-Théophile Désaguliers ?

A vrai dire, il existe encore très peu, aujourd’hui, de travaux de recherche véritablement fouillés sur la vie de J.T.Désaguliers en tant qu’homme de sciences. C’est dire la part d’inconnu qu’il reste à combler pour entrevoir par ailleurs les liens qui existent très certainement entre sa vie scientifique et sa vie maçonnique.

De l’homme de sciences, nous pourrons d’ores et déjà retenir qu’il était réellement doué des plus heureuses dispositions intellectuelles et d’une très grande curiosité, maîtrisant les lettres grecques et latines très tôt (vers l’âge de 16 ans), et fréquentant la pus prestigieuse des universités anglaises, le Christ Church College d’Oxford.

Un an à peine après en être sorti, avec le titre de Bachelier en Lettres, il rejoint le bureau de John Keill au Hart Hall College, dont il devient le disciple. Le professeur Keill était un mathématicien écossais, né à Edimbourg, et donnait des cours de physique expérimental. J.T.Désaguliers se livra dès lors avec tant d’ardeur à l’étude de cette science, qu’il mérita très rapidement de remplacer son maître lorsque celui-ci quitta l’établissement en 1710. J.T.Désaguliers avait alors 27 ans. Autre fait qui mérite sans doute d’être relevé : John Keill était à cette époque membre de la Royale Society de Londres et proche de Isaac Newton, que J.T.Désaguliers semblait alors déjà consulter pour ses leçons.

La réputation croissante de J.T.Désaguliers porta son nom à Londres, où l’on souhaitait le voir répéter ses expériences scientifiques. En 1712, il obtient une Maîtrise en Philosophie et en Lettres, et l’année suivante déménage pour la métropole où il poursuivit ses conférences (entamées un an plus tôt) sur la mécanique et la physique expérimentale, devenant ainsi le premier maître de conférence à parler de sciences.

Son ami Newton et sa réputation toujours grandissante lui ouvrent alors les portes de la prestigieuse Royale Society le 29 juillet 1714, dont il deviendra très vite « conservateur d’expériences » et ce jusqu’à la fin de sa vie.

Tous ces titres suffisent-ils à dire de J.T.Désaguliers qu’il était un grand homme scientifique ?

Sans doute pas, mais ils y concourent ; tout comme le fait que de son vivant, des onze à douze savants qui donnaient des cours d’expérimentation scientifique en Angleterre et dans d’autres parties du monde, J.T.Désaguliers avait l’honneur d’en compter huit parmi ses disciples ; tout comme le fait également qu’il reçut la plus prestigieuse et plus ancienne des récompenses scientifiques de la Royale Society : la Copley Gold Medal. Oui et alors me direz-vous ? … Simplement que depuis 276 ans que cette distinction est remise, seuls cinq scientifiques sur les 269 récompensés ont eu le privilège de l’obtenir par deux fois. Vous me voyez venir n’est ce pas ? J.T.Désaguliers aurait fait parti de ces cinq lauréats !? … Oui mais à la seule différence de ces quatre confrères qu’il l’aura obtenu, et il sera bien le seul, une troisième fois encore. Pour moi, qui fait parti – mais certainement comme d’autres parmi nous ce soir – de la très large majorité des personnes qui ne recevra sans doute jamais cette distinction, j’avoue me sentir petit devant une telle reconnaissance scientifique de J.T.Désaguliers.

Les distinctions ne pouvant pas non plus tout expliquer, qu’en est-il des contributions scientifiques que nous laisse J.T.Désaguliers ?

Il serait trop long de répondre exhaustivement à cette question. Je me permettrais donc de faire certains choix dans la suite, choix liés pour partie à une capacité à comprendre les expérimentations dont il s’agit.

Mais pour commencer à mieux définir le type de scientifique qu’était J.T.Désaguliers, peut-être pourrions nous voir comment il se caractérisait lui-même ; J.T.Désaguliers résuma ainsi sa participation scientifique, vers la fin de sa vie : « I am still acting in my Province, which has been for many years to explain the Works of Art, as well as the Phaenomena of Nature » (Je reste acteur dans ma spécialité, qui a été pendant de nombreuses années d’expliquer les Œuvres d’Art aussi bien que les phénomènes naturels). Par l’explication des œuvres d’arts, il est devenu l’un des fondateurs des sciences de l’ingénieur.

J.T.Désaguliers semblait attiré par toutes sortes d’expérimentations qui visaient à construire de nouveaux instruments ou à perfectionner ceux déjà connus, dans le but d’améliorer la qualité de vie de ces concitoyens, de diminuer la pénibilité de certains travaux ou encore d’améliorer la sécurité. Il eut ainsi bon nombre de contributions en mécanique, sur la ventilation, les machines à vapeur, les automates, l’hydraulique, etc.

C’est sur ce dernier point que je vais m’arrêter quelques instants, car l’hydraulique semblait constituer une discipline particulièrement importante pour J.T.Désaguliers. En effet, dès 1716, le duc de Chandos entama la construction de sa demeure, à Canons ; le projet prévoyait l’alimentation en eau des fontaines du jardin ainsi que de la maison, et J.T.Désaguliers formula alors des observations sur les flux de l’eau le long des canalisations jusqu’aux fontaines. Cela l’a conduit à avoir de l’intérêt pour l’hydraulique.

Dès lors, en 1718, il traduit le « Traité du Mouvement des Eaux » de Edme Mariotte, et travaille avec Henry Beighton à l’amélioration de la machine à vapeur de Thomas Newcomen (et également sur la base des travaux de Denis Papin, que J.T.Désaguliers a repris après sa mort). Ainsi, une forme améliorée de la machine à vapeur voit le jour grâce à J.T.Désaguliers, dont les premières utilisation, dit-on, furent de permettre le pompage de l’eau pour l’alimentation des fontaines, et ce jusqu’à Saint-Petersbourg au château du Tsar (données qui restent à valider).

Lorsque J.T.Désaguliers publie en deux volumes le recueil de ses « Leçons de physique expérimentale » (System of Experimental Philosophy) en 1719, nous pouvons remarquer que tandis que le premier tome traite de la mécanique en général, le second traite plus particulièrement des machines hydrauliques.

En 1721, année au cours de laquelle, en août, J.T.Désaguliers s’est rendu en visite à la loge de Mary’s Chapel, les autorités d’Edimbourg font appel à lui en sa qualité d’ingénieur, afin de calculer la quantité d’eau qui pouvait être fournie à la ville par un ensemble de canalisations liées à l’aqueduc de Comiston, sachant que celui-ci apparaissait insuffisant. On découvrit (comment et qui exactement, cela reste à éclaircir), que de l’air emprisonné dans la conduite empêchait l’eau de couler correctement. Ce qui est certain, c’est que cet évènement permit à J.T.Désaguliers de proposer et améliorer un système de soupape (manuelle puis automatique), permettant d’évacuer l’air des conduites. C’est donc ce type de mécanisme qui fut l’ancêtre de nos actuels appareillages de type « soupape de décharge » ou bien « ventouse », que l’on installe en général sur les points hauts des conduites d’adduction d’eau. Toujours à propos de l’aqueduc de Comiston, on pourra noter que la communauté scientifique hydraulique actuelle considère toujours que sa construction, son histoire et les difficultés qu’il a engendré, de 1675 à 1721, a véritablement permis d’entrer dans une nouvelle aire de recherche des conceptions hydrauliques.

De même, nous savons, de par ses relations avec d’autres scientifiques de l’époque (tels que Daniel Bernouilli par exemple, qui exposera plus tard le théorème fondamental de la mécanique des fluide, l’un des théorèmes de référence actuels), que J.T.Désaguliers participera à la compréhension expérimentale d’une autre formule essentielle en hydraulique, dite formule de Torricelli, qui permet de calculer la vitesse de l’eau d’un orifice en fonction de la pression à l’amont (v = racine de (2gh)).

Ces exemples ne constituent qu’une infime partie du travail de J.T.Désaguliers, qui nécessiterait des investigations toujours plus approfondies.

Et si l’on devait reprendre simplement la question initiale qui était de savoir quel genre de scientifique était J.T.Désaguliers, sans doute pourrions nous au moins retenir qu’il était un « ingénieux » scientifique, porté par la technologie au service de l’humanité, attaché à l’amélioration des conditions de vie, au talent certain de vulgarisation de l’information scientifique, capable de parler des choses les plus complexes en des termes simples, clairs et accessibles tant à l’expert qu’au profane.