Les Statuts Schaw (2) Les Réglements du Métier
Gilbert Cédot
Mars 2006
Gilbert Cédot
Mars 2006
Je voudrais revenir, ce soir… sans en terminer… avec les réglementations des pratiques de travail des maçons, figurant dans les « Statuts Schaw », avant d’en aborder lors de la prochaine tenue les parties a priori plus originales et plus novatrices, portant sur l’organisation des loges, les rituels, et pourquoi pas les secrets cachés.
Oh, je sais ! Vous êtes en train de vous dire : Il vient à peine de commencer le cycle « William Schaw », et déjà il s’accorde une pause !
Et bien oui… et non !
- Oui, parce que la dernière fois, compte tenu de l’heure tardive… et de mes débordements eu égard au temps qui m’était imparti, il n’a pas pu y avoir de discussion et ni d’échanges.
Outre une réprimande légitime - et que je méritais bien évidemment amplement - notre V.M., comme à son habitude, m’a donné un conseil avisé… par ailleurs bien connu : Il faut laisser du temps au temps !
Et donc avancer étape par étape, les travaux de « William Preston » ne s’inscrivant pas dans un championnat maçonnique de vitesse.
D’où le choix aujourd’hui de revenir quelque peu sur la réglementation du « métier ».
- D’y revenir parce que ce volet - souvent trop délaissé - présente un intérêt particulier, dans la mesure où il apporte un véritable éclairage sur la réalité de la maçonnerie opérative - élément constituant très fort du corpus maçonnique - paradoxalement moins en raison de la place effective que celle-ci a réellement occupé dans la construction de la Franc-maçonnerie telle que nous la vivons aujourd’hui, qu’en raison de celle qu’elle a prise sur le tard - notamment en France à la fin du 19e et au 20e siècle - dans l’imaginaire maçonnique.
Sur ce dernier point, lors d’un colloque R.T, Thierry Boudignon et Roger Dachez ont magistralement rendu compte des différents regards et interprétations qu’à chaque époque - et en particulier en France - les maçons ont souvent projeté sur leur propre histoire, et en premier lieu sur leurs origines.
L’idée, ce soir, est donc de tenter de poursuivre la mise en lumière esquissée la dernière fois sur ce que pouvait être réellement un contexte de maçon opératif… et par la même occasion, le cas échéant d’éliminer certains clichés parfois développés - y compris à notre époque - décrivant une maçonnerie opérative souvent idéalisée dans une vision mythique, voire parfois nostalgique des origines.
Pour mieux cerner les préoccupations et contraintes « opératives » - de cette fin de 16e siècle et pendant ce 17e siècle - que nous avons abordées il y a trois mois, je vous propose :
Cette méthode implique une prudence méthodologique préalable, et même un sérieux avertissement :
Comparer, y compris dans un cadre relativement limité au niveau des lieux et de l’époque, est toujours un exercice hasardeux et risqué… En particulier en matière de maçonnerie - surtout britannique, et antérieure au 18e siècle.
Si les quinze articles des « Statuts Schaw » s’appliquent incontestablement à des loges de maçons organisées - en ce domaine les premières connues :
Vouloir synthétiser l’ensemble relèverait - outre l’énorme difficulté rencontrée - d’une grande témérité, et surtout, probablement aboutirait à une absurdité.
Il est cependant évident que certains règlements de Guildes anglaises - et naturellement écossaises - présentent des proximités immédiates avec les seize articles « Schaw ».
Quand aux « Règlements de métier » figurant dans les « Old Charges », en dépit de quelques différences et des évolutions identifiables, ils présentent des constantes, des continuités certaines - parfois un vrai fil rouge - permettant malgré tout des comparaisons.
C’est pourquoi - en regard avec la partie « Règlements » des « Statuts Schaw » - je vais essentiellement me limiter à trois textes :
Avant de tenter d’opérer des comparaisons ou des rapprochements, pour entrevoir les conditions de travail, et même de vie, d’un maçon opératif, une dernière remarque préalable me semble importante. Elle porte sur la nature des documents, et sur l’identité de ceux qui ont élaboré et promulgué ces règles.
Les Statuts de 1598 été fixés [sett doun] par William Schaw, avec le consentement [consent] d’un certain nombre de Maîtres de la loge d’Edimbourg, qui les signent, « s’engagent et s’obligent à leur obéir fidèlement ».
Les termes « fixés », et « consentement » sont essentiels, car constitutifs d’un point commun à tous les textes que je viens de citer, à deux niveaux :
Je rappelle que William Schaw était Maître des Travaux du roi Jacques VI. A ce titre, il était le représentant du plus gros commanditaire et employeur d’Ecosse !
Les règlements de 1356 ont été fixés sous l’autorité de Simon Fraunceys, maire de la cité de Londres, avec l’assentiment des échevins et des shérifs - suite à un conflit entre « Hewers », maçons tailleurs de pierre, et « Layers » « ou Setters », maçons bâtisseurs - après consultation de douze « prud’hommes », six par métier.
Le « Sceau des Causes » a été accordé en 1475 aux « Wrights and Masons » par le Prévost, le Bailly, et le doyen des Guildes d’Edimbourg sur proposition [« desiring our license consent and assent of certain statutes and rules made among themselves…»] des « artisans de la maçonnerie et de la charpenterie ».
Quand aux « devoirs » figurant dans les « Old Charges », dès les versions du 17e siècle, ils ont été « donnés » par le mythique prince Edwin lors de l’assemblée d’York, après consultation de « tous les maçons, jeunes et vieux, qui auraient en leur possession quelque écrit, ou quelque connaissance des devoirs et des coutumes qui avaient été établies auparavant dans ce pays ou dans tout autre ».
Ce qui est intéressant, c’est que derrière la partie « affichée » des chartes officielles ou légendaires, on peut lire en filigramme une dynamique de rapports sociaux - parfois de rapports de force - aboutissant à des compromis autour du contrôle de la profession - les modes de rémunérations et les salaires constituant un enjeu majeur pour les uns et pour les autres.
Il en découle :