Les origines et la fondation de la Loge Quatuor Coronati

Roger Dachez. 2005

La Grande Loge Unie d’Angleterre est fondée en 1813. Dans les premières années de son existence, elle se structure, organise son administration, installe son autorité. [Toutes les loges anglaises ne se sont pas ralliées à la GLUA. En 1823, des loges font sécession et fondent la GL de Wiggan qui existera jusqu’en 1913]. Elle établit aussi ses rituels : ceux des grades du Métier sont fixés en 1816, les textes des instructions vers 1821, le rituel de l’Installation secrète en 1827 et celui de l’Arc Royal en 1835. Une chose cependant restait au point mort : la révision des Constitutions de 1723. Celles-ci avaient été régulièrement rééditées au XVIIIe siècle, en 1738, 1756 et 1784, mais depuis 1813, seule la partie réglementaire du texte avait été revue et adaptée tandis que la partie historique, relatant l’histoire du Métier, était laissée en l’état. Ce n’est qu’à partir des années 1840 que l’on commença à s’intéresser à cette question. En 1839, on découvre le manuscrit Regius (daté de la fin du XIVe siècle) puis, en 1859, le manuscrit Cooke (début XVe siècle). [On connaît aujourd’hui près de 140 manuscrits d’« Anciens Devoirs ».] L’étude de ces textes va aboutir à la remise en cause de l’histoire mythique du Métier écrite par James Anderson, qui présentait la Grande Loge de Londres créée en 1717 comme le simple réveil d’une Grande Loge dont l’origine se perdait dans la nuit des temps. C’est alors qu’à la place de la fiction de la théorie du « réveil » va naître la célèbre théorie dite de la transition selon laquelle la Maçonnerie spéculative est issue par mutations successives de la Maçonnerie opérative.

Au début des années 1880, un groupe de chercheurs, érudits, archéologues décident de fonder une structure d’études et de recherches consacrée à ces questions. [Un premier organisme, le « Masonic Archeologic Institut », avait été fondé sans succès en 1871.] Ce sera la loge « Quatuor Coronati » (Quatre Couronnés). [Parmi les fondateurs de 1884, on notera la présence de Sir Charles Warren, militaire et archéologue, qui travailla sur le Temple de Jérusalem et en Egypte.] Le nom de la loge se réfère à la légende selon laquelle, sous l’empire Romain, des « maçons » au sens large du terme avaient préféré le martyr plutôt que de renoncer à leur foi. Avec ce patronage, les fondateurs de cette loge voulaient non seulement la placer sous l’égide de saints de l’Antiquité mais aussi, ces personnages étant évoqués dans le manuscrit Regius, montrer qu’ils entendaient se livrer à l’étude de l’antiquité maçonnique. Ils espéraient enfin rassembler des Frères qui s’intéressent à ces études historiques, à l’ancienneté de la maçonnerie, aux coutumes particulières du Métier, à la pratique du rituel.

Ces frères fondateurs ont vu leur projet couronné de succès et la loge « Quatuor Coronati » a maintenant un passé prestigieux. Elle reste le modèle de toutes les loges de recherches du monde. Ses travaux sur les sources de la franc-maçonnerie font autorité. Si, dans un premier temps, elle a jeté à bas de nombreux mythes, ce fut pour mieux les mettre ensuite en perspective. Ceci a finalement permis de leur donner un sens plus profond, une valeur, une substance, une richesse. La démarche historique rigoureuse débouche ainsi sur un véritable approfondissement de la franc-maçonnerie.