« FORESTERS » EN ANGLETERRE DU XVIIIE AU XXE SIÈCLE

Roger Dachez. 1999

L’ « Ancient Order of Foresters » est une société que l’on peut qualifier de «méta-maçonnique». Il revendique une certaine ancienneté puisqu’il prétend, sans preuve, être fondé en 1745 dans le Yorkshire près de Newborough. En réalité, son origine remonte aux années 1790-1791 à Kirkgate dans le comté de Leeds. Il s’appelle alors l’ordre royal des Forestiers. La cour n° 1 se réunissait à l’ « Old Crown Inn », endroit qui était aussi celui où se rassemblait une loge. D’ailleurs, le dirigeant de cette cour et le Passé Maître de cette loge était une seule et même personne: John Smilton. L’ordre va se développer rapidement bien que, pour l’attester, les documents soient rares. En 1800, la cour n° 1 devient « Supreme Court ». Les rituels et les instructions sont très influencés par la Maçonnerie. Ainsi les décors, d’abord constitués d’écharpes puis de colliers, se modifient par mimétisme avec la maçonnerie. Au cours du XIXe siècle, on adopte le tableau (à l’image du tableau de loge). Bien que les officiers des cours ne soient pas les mêmes qu’en loge (on trouve des « Beadle » [bedeau] ou huissiers et des « Woodward » ou gardiens), le rituel – qui est pratiqué actuellement, et qui date de 1840 – est une copie, adaptée aux besoins de l’ordre, des rituels maçonniques.

Le développement de l’ordre se déroule selon les étapes suivantes. En 1813, est fondée la cour n° 2. A partir de 1815, les cours prennent des noms : n° 1, Persévérance, n° 2, Espérance, n° 3, Honneur, etc. En 1815 également, est créée la « Supreme Court of Antiquity ». L’administration de l’ordre se met peu à peu en place. Des réunions trimestrielles et annuelles sont instituées. En 1817, on commence à mettre par écrit les rituels. Un fonds de bienfaisance est également créé. Une autre organisation, l’« Ancient Order of Sheffields » va fusionner avec les « Foresters » pour former un ordre intérieur dirigé par un Sanctuaire Suprême. En 1830, on dénombre 200 cours puis 400 en 1834, tandis que, dans le même temps, des cours de districts sont instituées. Enfin, dans le but d’éviter des falsifications, de nouveaux mots de passe sont choisis et de nouvelles instructions rédigées. En 1850, il y 1000 cours.

Mais, avec la croissance de l’ordre, vient le temps d’une certaine dégénérescence. Bientôt les serments sont remplacés par des obligations solennelles mais moins contraignantes. En 1857, les cérémonies sont allégées. Il n’y a plus de prières ni de catéchismes. En 1877, on supprime les références religieuses. En 1891, on admet les femmes.

Aujourd’hui, l’ordre des forestiers est devenu une sorte de société d’entraide, d’assurances mutuelles, de retraite complémentaire en apparence totalement profane. Cependant, il subsiste tout de même une sorte de rituel, dont on trouve trace jusque dans les contrats d’assurance et qui exprime le besoin des anglo-saxons de sacraliser certains actes de la vie sociale. Ce besoin se retrouve dans nombre d’actes de la société et trouve son point culminant et sa plus belle illustration dans le couronnement royal.