LA FRANC-MAÇONNERIE ANGLAISE, LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LA MAÇONNERIE UNIVERSELLE DU XVIIIE SIÈCLE À NOS JOURS: BILAN ET PERSPECTIVES
Roger Dachez. 1997
Quelles ont été les attitudes successives de la Maçonnerie anglaise à l’égard, d’une part, du monde profane ou de la société civile et, d’autre part, à l’égard des autres Maçonneries ? Nous allons l’étudier à travers 5 périodes de son histoire. L’analyse de ces diverses attitudes et de leur évolution peut nous faire comprendre comment la Maçonnerie anglaise s’est vue, comment elle se voit et comment elle veut être vue. Nous essayerons de comprendre aussi ce qu’elle représente aujourd’hui pour les Maçons du monde entier et vers quelle voie elle se dirige. Ce faisant, nous tenterons de situer la Maçonnerie française dans cette problématique.
1) Des origines à 1719
Une seule chose est sûre quant aux origines de la Maçonnerie : elles sont imprécises. S’il est certain que des loges existaient antérieurement à la fondation de la Grande Loge de Londres et de Westminster, première G.L. de toutes les GG. LL. du monde, force est de reconnaître que nous en savons peu de choses. L’événement de juin 1717 est apparu, a posteriori, comme un phénomène central et essentiel mais, en réalité, cette fondation est, sur le moment, passée pratiquement inaperçue et ne changeait en rien la nature profonde des loges de cette époque.
Pour autant que l’on sache, il existait des loges autour de Londres et en Angleterre, en Irlande et en Ecosse. On en a trouvé aucune trace ailleurs. Ceux qui affirment le contraire n’ont pas encore produit de documents authentiques et identifiables.
Les loges de ce temps rassemblaient des personnes issues d’un milieu plutôt modeste, souvent des artisans indépendants appartenant à tous les métiers (et pas seulement celui de maçon), des boutiquiers, des petits commerçants, des taverniers et quelques membres de la bourgeoisie. Il n’y a pas d’aristocrates. Ces gens se réunissent peu et nous ne connaissons pas les rituels qu’ils pouvaient utiliser lorsqu’ils tenaient loge mais ils étaient probablement très différents de ceux d’aujourd’hui.
Le ressort fondamental de cette Maçonnerie, c’est la mutualité et la convivialité. Convivialité, parce qu’après de longues périodes de déchirements internes, politiques et religieux, l’Angleterre des XVIIe et XVIIIe siècle souhaitait pouvoir se retrouver dans la paix. Mutualité, parce que l’existence de caisses communes permettait de pourvoir aux besoins des membres en difficulté (santé, travail, etc.). C’est à cette époque que se développent nombre de sociétés à vocation mutualiste (ex: l’Ordre Ancien des Druides ou le Noble et Royal Ordre des Forestiers). Certaines existent encore aujourd’hui et quelques unes ont gardé des formes rituelles.
A l’égard de la société civile, la Maçonnerie n’a donc pas d’attitude particulière. Elle ne délivre ni message ni doctrine.
Quant aux relations avec d’autres Maçonneries, en dehors des îles britanniques, elles sont évidemment inexistantes.
2) De 1719 à 1813 : l’établissement de la Maçonnerie anglaise
En 1719, après les deux premiers Grands Maîtres qui étaient des personnages plutôt modestes, Jean Théophile Désaguliers est installé à la tête de la G.L. de Londres et de Westminster. C’est une personnalité importante, un savant et un conférencier fort apprécié, proche de la famille royale et de l’aristocratie, membre de la Royal Society . Avec cette installation, dont nous ignorons encore les causes et les circonstances précises, la Maçonnerie anglaise opère une véritable mutation. Elle fait son entrée dans la société civile. Jean Théophile Désaguliers invite les intellectuels, les aristocrates, les politiciens à venir en loge et en 1721, le duc de Montagu, personnage considérable qui jouit d’une immense fortune, devient le premier G.M. noble et, désormais, tous les Grands Maîtres anglais seront nobles. Ainsi, en quelques années, la maçonnerie conviviale et mutualiste de petits boutiquiers et artisans est devenue une société qui place à sa tête l’élite sociale et intellectuelle du pays. Appartenir à la Maçonnerie a maintenant une réelle signification sociale et c’est un état digne et enviable.
Ceci est bien connu, mais, pour s’en tenir à notre propos, ce changement de statut de la maçonnerie anglaise va entraîner un changement d’attitude par rapport au monde profane. Jusqu’ici les loges avaient un caractère quasi familial voire informel mais, dès le début des années 1720, une administration, celle de la Grande Loge, se met en place sous l’influence sans doute de ses nouveaux membres qui apportent avec eux les structures des organisations auxquelles ils appartenaient déjà, la Royal Society, les sociétés savantes et honorables, etc. Un contrôle administratif s’instaure donc de façon à vérifier la qualité des frères. Ainsi, à partir essentiellement d’une considération de nature sociale, on introduit les premiers éléments de ce qui deviendra, plus tard, la doctrine de la régularité maçonnique.
On constate que la régularité, avant d’être un problème de relation obédientielle, a été un problème de qualité individuelle. Il ne s’agissait pas de savoir si un frère appartenait à une obédience « régulière » ou non, ce qui n’aurait eu aucun sens à l’époque, il fallait s’assurer si ce frère, en tant que tel, était régulier, c’est-à-dire s’il avait été initié dans une loge reconnue par la Grande Loge (concrètement cela signifie qu’il faut être inscrit sur un registre avec un numéro de matricule, et surtout avoir avoir réglé sa capitation). Il n’était pas question de considérations philosophiques, morales ou religieuses.
C’est cette volonté d’organisation administrative de la Grande Loge qui est le fondement de la régularité.
Par ailleurs, la maçonnerie commence à se répandre en Europe dès les années 1720-1730. Dans la deuxième édition des Constitutions, en 1738, Anderson rapporte qu’il existe des Maçonneries ailleurs qu’en Angleterre et qu’il y a des Grandes Loges « affecting independency ». Le sens réel de cette expression a fait couler beaucoup d’encre. On l’a souvent traduit par « affectant l’indépendance » ou « se donnant des airs d’indépendance », avec une nuance réprobatrice. Au vrai, il faudrait comprendre « to affect » dans le sens de « assumer » ou « prendre sur soi », c’est-à-dire ici « assumant leur indépendance ».
Une fois ce constat établi, quelle va être la position de la maçonnerie anglaise vis-à-vis de ses filles qui se veulent autonomes ?
C’est alors que la notion de régularité va s’enrichir d’un aspect juridique.
Tout au long du XVIIIe siècle, ces aspects administratifs et juridiques vont prendre de l’importance. D’ailleurs, les maçons anglais y sont pratiquement contraints puisque, en 1753, une deuxième Grande Loge dite des « Anciens » apparaît (sans parler de la Grande Loge dite d’York pour toute l’Angleterre, la Grande Loge de Francs-Maçons Ecossais exilés en Angleterre, etc.). Il importe donc de savoir à quelle Grande Loge appartiennent les frères et ce problème se pose de manière aiguë. On aperçoit bien ici que la régularité est moins une question de divergences rituelles, philosophiques ou religieuses (qui, certes, existent entre toutes ces obédiences) qu’une affaire juridique et administrative.
Tandis que les frères anglais se chicanent, la Maçonnerie anglaise fait preuve d’un laxisme déconcertant dans ses relations internationales. Par exemple, pour créer une loge en Europe, il suffit d’écrire à la Grande Loge de Londres qui accorde facilement une patente sans exercer un réel contrôle. On peut citer cet exemple extraordinaire d’un français émigré en Angleterre qui, pendant très longtemps, parvint à se faire passer pour délégué aux affaires extérieures de la Grande Loge des Modernes et qui distribuera contre espèces sonnantes et trébuchantes des patentes de loges à travers l’Europe. Il faut dire que la distribution de la qualité maçonnique par le biais de patentes est une pratique fréquente de la Maçonnerie et, souvent, une demande d’autorisation et le paiement d’un droit suffisent pour être régulier.
3) La Maçonnerie anglaise au XIXe siècle
En 1813, les deux Grandes Loges rivales des Modernes et des Anciens s’unissent pour constituer la Grande Loge Unie d’Angleterre. La Maçonnerie anglaise entre dans une nouvelle phase et son évolution va être parallèle à celle de la société britannique.
Or cette dernière est confrontée à deux problèmes majeurs.
Le premier est de nature politique. L’aristocratie et la grande bourgeoisie, c’est-à-dire les grands propriétaires terriens qui dominaient l’Angleterre depuis le XVIIIe, sont en perte de vitesse par rapport aux forces montantes constituées par les commerçants, les bourgeois, les négociants internationaux, les industriels qui, jusqu’à ce moment, ne faisaient pas partie de l’élite traditionnelle. Cette opposition ne débouche pas sur une révolution mais sur le besoin impérieux d’homogénéiser le corps social et d’accorder à tous une égale dignité.
Le deuxième problème est de nature religieuse; l’un des aspects de cette problématique est la question de l’intégration des juifs. Dès les années 1730-1740, les juifs avaient, en Angleterre, un statut relativement privilégié par rapport aux autres pays d’Europe. Cette intégration va se poursuivre au XIXe siècle jusqu’à ce qu’un Premier ministre juif, Disraeli, soit nommé.
C’est dans ce contexte que la G.L.U.A. choisit pour premier Grand Maître le duc de Sussex (Grand Maître de 1813 à 1843), qui est un homme à l’image de la société de son temps, aussi bien sur le plan politique et économique que sur le plan religieux.
Le duc de Sussex est fils et frère de rois, oncle de la reine Victoria et pourtant en rupture de ban avec sa famille pendant de longues années. Exilé sur le continent à cause d’un mariage que son père n’avait pas voulu reconnaître, il mena une vie difficile, à la fois sur le plan matériel et moral, et ne put revenir en Angleterre qu’après la mort du roi. Lorsqu’il devient Grand Maître (il avait été initié pendant son exil), il fait partie de ces hommes qui ont une revanche à prendre sur la société anglaise traditionnelle et ses principes de moralité, dont il avait été une des victimes.
Par ailleurs, le duc de Sussex est un des grands philo-sémite du XIXe siècle anglais. Il a fait de l’intégration complète des juifs dans la société l’un des buts de sa vie. C’est le premier membre de la famille royale à visiter officiellement la grande synagogue de Londres. Il s’intéressait passionnément à la Bible qu’il lisait d’ailleurs en hébreu. De même, il s’intéressait beaucoup à la nation et aux traditions juives, comme en témoigne sa bibliothèque. Devenu Grand Maître, il n’aura de cesse d’intégrer les juifs dans la maçonnerie et n’hésitera pas, pour ce faire, à la déchristianiser.
Par déchristianisation, il ne faudrait pas comprendre que la maçonnerie britannique ait renié les valeurs religieuses. Elle a seulement retranché (mais c’est déjà beaucoup) de ses rituels tout ce qui relevait du christianisme. Ceci était considérable puisque tout le symbolisme fondamental de la Maçonnerie est chrétien. Cette déchristianisation fut une opération délicate, trop rapidement menée pour être complète. Le tissu maçonnique étant totalement imprégné de christianisme, il n’est pas difficile de retrouver dans les rituels actuels des traces et des références chrétiennes transparentes.
Il est certain cependant que cette opération a considérablement transformé tous les usages, toutes les pratiques et tous les rituels. Le choc fut tel qu’une Grande Loge scissionniste, dite de Wigan, se créa en 1816 (elle viendra à résipiscence en 1913).
Cette déchristianisation a permis à la Maçonnerie anglaise de devenir ce qu’elle n’était pas encore, c’est-à-dire un pilier de la société, au même titre que le trône et l’Autel. Elle s’identifie à la volonté de rassemblement social, intellectuel et religieux qui anime le pays.
De plus, avec l’essor de l’Empire britannique colonial, principalement en Orient, dans des pays de cultures musulmane, hindoue, bouddhiste etc., la maçonnerie, déjà déchristianisée, n’aura aucune difficulté à se « débibliser », si l’on peut dire, pour se rendre accessible à tous. Elle deviendra un facteur d’intégration au service de l’Empire.
En totale osmose avec la société de son époque, la Maçonnerie anglaise se considère alors comme une force majeure. C’est l’apogée de la Maçonnerie anglaise.
4) 1877 et la nouvelle notion de régularité
En 1877, le Grand Orient de France décide de rendre facultative l’invocation au Grand Architecte de l’Univers et prône « la liberté absolue de conscience ».
La G.L.U.A réagit l’année suivante et, pour la première fois, elle se sépare d’une obédience maçonnique étrangère pour des raisons philosophiques, même s’il y a peut-être eu des raisons moins avouables.
Toujours est-il qu’à partir de ce moment un engrenage commence qui va conduire la G.L.U.A. à une situation qu’elle ne soupçonnait sans doute pas.
La Maçonnerie anglaise va définir une doctrine de la régularité.
C’est chose faite en 1929, lorsqu’elle publie les règles qu’elle estime nécessaires pour des relations entre Grandes Loges. Désormais, le mot « régularité » devient chargé d’une signification bien particulière.
Dans un des huit articles de cette déclaration, elle reprend un principe qui avait été édicté dans un tout autre contexte par des Grandes Loges américaines à la fin du 18e siècle, le principe dit de juridiction territoriale exclusive. Dans un autre article, elle affirme le fondement philosophique et religieux de la régularité : la croyance au G.A.D.L.U. et en sa volonté révélée est une condition indispensable pour être franc-maçon.
Avec cette nouvelle doctrine internationale de la régularité, la Maçonnerie anglaise va jeter un regard impérial sur le monde Maçonnique.
5) La situation de 1955 à nos jours
Les événements qui se produisent à partir de 1955 en Angleterre sont une conséquence indirecte des décisions de 1929.
La G.L.U.A. va précisément être contestée sur ses principes philosophiques, religieux et juridiques.
Sur le plan philosophique et religieux, la publication de Darkness visible était une première attaque contre la Maçonnerie anglaise. Celle-ci, en toute simplicité, était accusée de satanisme !
En 1984, Stephen Knight publie The Brotherhood, deuxième brûlot dans la lignée du premier et terrible charge contre la Grande Loge.
En 1986, il y a un grand débat au sein de l’Eglise d’Angleterre. Le synode s’interroge sur la compatibilité entre l’appartenance simultanée à la Maçonnerie et à l’Eglise d’Angleterre. Si l’Eglise d’Angleterre n’a pas condamné la Maçonnerie, elle a adopté une attitude d’extrême réticence envers elle. D’autres communautés religieuses moins prudentes, en particulier les Méthodistes et certaines églises Baptistes, se sont prononcées contre la Maçonnerie.
Sur le plan juridique, les GG. LL. Américaines ont mis à bas, depuis quelques années, le principe de juridiction territoriale exclusive. La plupart des GG. LL. blanches ont reconnu les GG.LL. noires et il ya maintenant 2 GG. LL. régulières dans chaque Etat.
Parallèlement à cela, un autre problème apparaît : la famille royale, pépinière des futurs Grands Maîtres, se désintéresse de la Maçonnerie !
Enfin, l’Europe vit aujourd’hui une redistribution des cartes économiques et politiques. L’union européenne est centrée sur l’Allemagne qui s’impose économiquement et, à l’instar de la Maçonnerie anglaise au XIXe siècle, la maçonnerie allemande s’impose à son tour. De nombreuses maçonneries des pays de l’Est sont réveillées par l’Allemagne. Le pouvoir et l’influence morale de la G.L.U.A. commencent à fléchir.
Ainsi, le système de régularité que la Maçonnerie anglaise avait voulu fonder sur des considérations philosophiques et religieuses et sur le principe de juridiction territoriale exclusive, est aujourd’hui considérablement fragilisé.
Dans ces conditions, quelle est l’attitude de la Maçonnerie anglaise ?
Si, jusqu’à un passé récent, l’évolution de la Maçonnerie anglaise a pu se confondre avec l’évolution de la société, nous assistons depuis quelques années à un autre processus. Aux XVIIIe et XIXe, elle était en pleine communion avec la société sur les principes de convivialité, de philanthropie, de mutualité, de reconnaissance sociale. Mais, petit à petit, s’enfermant dans des principes philosophiques et des considérations de juridiction territoriales, elle s’est progressivement isolée de la société. Aujourd’hui, elle essaie de renverser cette tendance et veut s’ouvrir au monde. La G.L.U.A. fait visiter ses locaux, son musée, elle édite des cassettes vidéo, participe au forum maçonnique, etc. Bref, elle essaie de retrouver le contact avec la société.
Que nous réserve le futur? En 1986, le grand débat au sein de la Grande Loge Unie d’Angleterre semblait amorcer une période d’évolution sensible de la maçonnerie anglaise. Nous constatons aujourd’hui que des mesures ont déjà été prises, tandis que d’autres sont en dicussion : révision des rituels, suppression de mots, y compris dans le grade de l’Arc Royal. De son côté, la revue Masonic Square a ouvert un débat sur la simplification des rituels. Dès lors, il y a incontestablement un risque que la maçonnerie anglaise se vide peu à peu de ses fondements traditionnels.
A l’image de l’évolution de la maçonnerie anglaise, nous pouvons nous interroger sur celle de la Maçonnerie française.
Les considérations humaines, de fraternité, d’ouverture des coeurs, de communion des esprits, peuvent unir les Maçons, mais, si on introduit des définitions partisanes de quelque nature que ce soit, on ouvre la porte aux ferments de discorde. La Maçonnerie peut vivre divisée si elle sait accepter ses divisions. La recherche obsessionnelle de l’unité la conduit en réalité à générer en son sein des conflits insurmontables. Il faut qu’elle trouve un juste milieu, dans ses formulations, dans ses attitudes, dans ses choix, ce qui permettra à des personnes différentes de continuer à vivre dans une même Maçonnerie comme le disent les Constitutions de 1723 : « la maçonnerie devient le Centre de l’Union et le moyen de nouer une amitié fidèle parmi des personnes qui auraient pu rester à une perpétuelle distance ». L’exemple de la Maçonnerie anglaise montre que des positions extrêmes conduisent à des impasses qu’il faut tôt ou tard abandonner.
Discussion :
* Les relations entre le G.O.D.F et la Maçonnerie anglaise.
Lors de la fondation du G.O.D.F en 1773, une correspondance courtoise est échangée entre celui-ci et la Première G.L. dite des Modernes mais aucun accord n’en découlera : le G.O.D.F. exige en effet que les relations futures se déroulent sur un strict plan d’égalité, tandis que la Première G.L. demande à être reconnue comme la Mère Loge de la Maçonnerie. Aucune relation officielle ne s’établira d’obédience à obédience, mais les frères sont reçus en visiteurs. Aussi, en 1877, il n’y a pas eu rupture à proprement parler. La G.L.U.A. décida simplement que seuls les francs-maçons dont le diplôme porterait une référence au G.A.D.L.U. et qui affimeraient en loge ouverte leur ferme croyance en un Être suprême seraient admis à assister aux tenues des loges sous son autorité. Le grand tournant dans les relations maçonniques franco-anglaise se situe en 1913, lorsque la G.L.U.A. reconnaît la G.L.N.I.R.F.C. comme la seule maçonnerie en France.
* Quelle fut l’importance du rôle de la G.L. des Anciens de tendance plutôt catholique lors de l’Union de 1813 ? Quel fut le rôle du duc de Sussex ?
Quantitativement, la G.L. des Anciens était minoritaire. Cependant, elle a imposé ses vues sur les rituels (dispositions des surveillants, etc.) et sur le grade de l’Arc Royal intégré à la G.L.U.A.
Quant à la déchristianisation, s’il faut établir un parallélisme avec l’état de la société anglaise de l’époque, il n’en reste pas moins que la personnalité du duc de Sussex a eu une grande influence sur la loge de promulgation, ainsi que dans la mise en sommeil des Knights Templar et du rite Ecossais Ancien et Accepté, ordres chrétiens par excellence en Angleterre.
* Comment expliquer les positions récentes de l’Eglise d’Angleterre ?
A l’instar de l’église catholique, l’église d’Angleterre vit un mouvement de réforme. Il y a une volonté de faire prévaloir les valeurs spirituelles et religieuses et de faire moins de concession à la « politique ».
Or, le principal reproche que l’Eglise d’Angleterre formule à l’encontre de la Maçonnerie, c’est d’être une pseudo-religion. Elle se livrerait à des actes pseudo-sacramentels et se réfèrerait au diable, sans le savoir, dans le grade de l’Arc Royal...
Dans le même temps, l’Eglise d’Angleterre prend ses distances vis-à-vis de la Monarchie (il serait possible que la reine n’en soit plus le chef). Elle veut affirmer ses propres valeurs spirituelles et tente un rapprochement avec l’église catholique. Dans cette perspective, la maçonnerie ne peut être qu’un obstacle. Prenant goût à une certaine indépendance, l’Eglise d’Angleterre commence à dire tout haut ce que, peut-être, elle n’a jamais cessé de penser tout bas à propos de la Maçonnerie.
Par ailleurs, il y a une sorte d’alliance objective entre les éléments gauchisants du parti travailliste et certaines tendances de l’Eglise d’Angleterre. L’antimaçonnisme anglais, contrairement à la France, est de gauche. On dénonce une collusion entre les francs-maçons et la police, de même que Stephen knight, dans son livre en 1984, avait beaucoup insisté sur la question de la pénétration de la franc-maçonnerie dans la haute administration de l’Etat anglais et dans l’administration communale.
Avec toute ces affaires, et c’est un fait nouveau pour elle, la Maçonnerie anglaise est, depuis une dizaine d’année, sur la défensive.