L'un des plus anciens canulars maçonniques:

le Leland-Locke Manuscript

Roger Dachez 1993

Cette étude fut l'objet d'une publication dans la revue Renaissance Traditionnelle.

Nous donnons ici une courte introduction.

Ce manuscrit fut publié dans le Gentleman's Magazine en septembre 1753.

Il était présenté comme la reprise d'un texte publié à Frankfort en 1748, texte qui se voulait lui même l'impression d'un original manuscrit conservé dans la Bodleian Library à Oxford. Il avait pour titre: " Certaines questions concernant la Maçonnerie écrites par le roi Henri VI ( 1) et copié par John Leylande " et était accompagné d'une lettre de présentation du célèbre philosophe John Locke (1632-1704).

Le document, qui ressemblait aux "Anciens Devoirs", était assez bien tourné et, à l'image des Olds Charges , portait des traces d'altérations de mots qui pouvait lui donner un caractère d'authenticité.

Il fut publié en 1754 dans le Pocket Companion par J. Scott à Londres puis dans la seconde édition de Ahiman Rezon de L. Dermott en 1764 et dans l'édition de 1784 des Constitutions par John Noorthouck.

Il fut reçu et accepté par William Preston, qui le publia dans Illustrations of Masonry ainsi que par l'immense majorité des Maçons tant Anciens que Modernes de l'époque et, au XIXè siècle encore, par une personnalité comme George Oliver. D'ailleurs, ce texte connaîtra une fortune étonnante puisqu'on en retrouve des traces dans certains grades actuellement pratiqués.

Cependant, dès la fin du XVIIIè siècle, des doutes sur son authenticité apparurent, manifestés notamment en France par le marquis de Chefdebien. Plus tard, la recherche mettra en avant, non sans mal, les faits suivants:

On n'a jamais retrouvé l'hypothétique publication du manuscrit à Frankfort en 1748, ni le manuscrit lui-même dans la Bodleain Library et encore moins un original du roi Henri VI !

Et surtout, la critique philologique a permis de démontrer que ce texte n'a pas pu être écrit aux alentours de 1460.

Dès lors, il reste à étudier ce texte en lui-même, c'est-à-dire comme un document de 1753. On peut alors se poser les questions suivantes:

Pourquoi cette publication ? A quels besoins répondait-elle ? Y-a-t-il un rapport avec l'émergence de la G.L. des Anciens en 1751 ?

Car, il faut distinguer ce canular des multiples moqueries et parodies dont était l'objet la Maçonnerie de ce temps.

Ce texte se veut sérieux et sans doute peut-on y voir une tendance bien naturelle à l'esprit humain à rechercher une ascendance prestigieuse. A cet égard, le parrainage du roi Henri VI flattaient ceux qui étaient en mal de noblesse. Plus profondément, on espérait peut-être aussi redorer le blason de la Maçonnerie en voulant prouver qu'elle s'inscrivait bien dans une tradition vénérable.

(1) 1422-1460.